Magnifique ce piano, de la soie, mais pas de la soie sauvage. Infiniment pudique, Seong-Jin Cho s’abstient de questionner le fantasque de Gaspard de la nuit, les vertiges de Miroirs, de trop exposer le sensible nostalgique du Tombeau de Couperin.
Est-ce rester à la porte des œuvres ? Pas vraiment, la pudeur déjà soulignée, l’art du coloriste, l’élégance plutôt que l’espressivo, un dédain du moindre maniérisme sont aussi des vertus ravéliennes, mais elles oblitèrent la fulgurance qui teinte d’acide ce piano poète, et même de sang dans Le Gibet.
Mais les gris colorés de la Sonatine, le lyrisme des Valses nobles et sentimentales, la perfection – tempos, phrasés, exactitude – de la Pavane, de Jeux d’eau, des Menuets, des À la manière de…, et la tendresse effleurée du petit Prélude magique pour Jeanne Leleu, toutes pièces échappées du propos plus décisif des cycles, suffisent à recommander ce beau Ravel un peu lisse, et d’espérer que les Concertos, annoncés prochainement, le seront moins.
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel (1875-1937)
Sérénade grotesque, M. 5
Menuet antique, M. 7 (version pour piano seul)
Pavane pour une infante défunte, M. 19 (version pour piano seul)
Jeux d’eau, M. 30
Sonatine, M. 40
Miroirs, M. 43
Gaspard de la nuit
Menuet sur le nom d’Haydn, M. 58
Valses nobles et sentimentales, M. 61 (version pour piano seul)
Prélude, M. 65
À la manière de Borodine, M. 63/1
À la manière de Chabrier, M. 63/2
Le tombeau de Couperin, M. 68
Seong-Jin Cho, piano
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4866814
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Photo à la une : le pianiste Seong-Jin Cho –
Photo : © Stefan Hoederath