Une symphonie des énigmes, la 15e de Dmitri Chostakovitch, un peu à la manière de la 6e Symphonie de Carl Nielsen, avec laquelle elle partage ses musiques de fifre, son alternance de caprices grotesques et d’abîmes, mais chez le Russe une note tragique s’invite que Bernard Haitink distille dans l’atmosphère raréfiée de l’Adagio, musique voisine du silence dont les solos des Bavarois font une étrange cérémonie funéraire : on sait que l’œuvre regorge de citations plus ou moins masquées, celle de la Marche funèbre pour Siegfried est évidente, mais c’est l’esprit de Gustav Mahler qui rode partout.
L’œuvre est insaisissable, Bernard Haitink dans ce concert tardif (2015), n’essaie pas de lui donner la moindre cohérence, il la lit comme un requiem désabusé, expose ses errements post-modernes qui font l’effet de collages face à la veine lyrique, comme souterraine, qui la parcourt pourtant.
La beauté sonore des Bavarois ne retrouve pas la note amère qu’y mettaient Kirill Kondrachine ou le fils du compositeur, Maxim, son créateur le 8 janvier 1972 dans la Grande Salle du Conservatoire de Moscou, mais le geste impavide du chef néerlandais tend sur la grande arche un immense catafalque, symphonie-tombeau dont l’Adagio comme venu d’un autre monde, fascine : une ode tragique, avant la sinistre danse des morts de l’Allegretto.
LE DISQUE DU JOUR
Dmitri Chostakovitch
(1906-1975)
Symphonie No. 15
en la majeur
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Bernard Haitink, direction
Un album du label BR-Klassik 90O210
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Photo à la une : le chef d’orchestre Bernard Haitink, en 2013 –
Photo : © Todd Rosenberg Photography