Difficile Erik Satie… hier France Clidat refusait la distance, déboutonnant les textes, leur donnant une fantaisie, une vie qui rendaient soudain tout de Satie simplement irrésistible. Alain Planès ne la suivra pas sur cette voix audacieuse.
Son Satie sera à distance, il l’avoue dès la Valse-ballet dont il ne fait pas un lever de rideau, il compte le balancier de la Première Gymnopédie et le dit dans la mesure, pourtant l’émotion n’est pas absente, soudain une note plus accentuée fait tout le paysage.
Il faut entrer ici quasi malgré la pure beauté de l’admirable Pleyel, c’est lui qu’on entend d’abord, il capture à lui seul toute la poésie de Satie, Alain Planès ne le brusquera pas, il l’écoute tout autant que nous ; au fond les mystères, les étrangetés émanent d’eux-mêmes, laissant au pianiste le soin d’être dans ce retrait, comme regardant d’un œil distant le miracle se produire.
Pour les Gnossiennes, les Gymnopédies, les Trois Morceaux en forme de poire, une évidence, il n’y a ici qu’à laisser jouer, mais le génie de l’interprète ne résiste pas devant les Airs à faire fuir, les Chapitres à tourner en tous sens, surtout devant les géniales et souvent insaisissables Avant-dernières pensées : là, il interprète, et me cueille, avant de reprendre distance pour les pièces où l’humour doit être en effet chose froide, les mélodies sans voix, et même celles avec voix où Marc Mauillon respecte ce désir d’une lecture à minima (qui a dû lui couter).
Les secrets de Satie sont tout entiers dans ce Pleyel, écoutez seulement.
LE DISQUE DU JOUR
Erik Satie (1866-1925)
Valse-ballet
Gnossiennes Nos. 1-5
3 Gymnopédies
Pièces froides – Airs à faire fuir
Trois morceaux en forme de poire*
Embryons desséchés
Trois Mélodies**
Chapitres tournés en tous sens
Avant-dernières pensées
La Diva de l’Empire
Je te veux
Alain Planès, piano
*François Pinel, piano
**Marc Mauillon, baryton
Un album du label harmonia mundi HMM902749
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Photo à la une : le pianiste Alain Planès –
Photo : © Eric Larrayadieu