Karl Böhm n’eut pas de chance au disque pour son Freischütz : chez Deutsche Grammophon, Carlos Kleiber lui vola l’œuvre, mais aussi son Agathe, enregistrement faramineux, devenu justement légendaire, et pensé pour l’alchimie du studio. Cela se sent un peu parfois, jusque dans un certain théâtre factice (la scène de la Gorge aux loups).
Heureusement, le 28 mai 1972, la Radio autrichienne captait l’écho sonore de la nouvelle production du Staatsoper : la mise en scène impeccable d’Otto Schenck s’accordait parfaitement au regard de Karl Böhm, qui à sa manière bousculait un rien la tradition. Contrairement à ce qui semblait logique, Böhm n’allégeait pas son Weber, n’invoquait pas Mozart, disant au contraire un conte très noir, dont la syntaxe semble par moments quasi wagnérienne.
Agathe plus inquiète à la scène qu’au studio, Gundula Janowitz est transportée par cette direction tendue à rompre, même les charmes de Renate Holm en sont assombris, manière de parité des deux sopranos avec le Max hanté, tragique, de James King, l’anti René Kollo, on s’en doute. Autour de sa composition implacable, de sa voix en pleine gloire, les clefs de fa sonnent plus démoniaques, et le Kaspar de Karl Ridderbusch simplement historique.
Ce Freischütz enténébré, enfin édité d’après les bandes originales, constitue un ajout majeur à la discographie du grand Karl.
LE DISQUE DU JOUR
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Der Freischütz, Op. 77, J. 277
Eberhard Wächter, baryton (Ottokar)
Manfred Jungwirth, basse (Kuno)
Gundula Janowitz, soprano (Agathe)
Renate Holm, soprano (Ännchen)
Karl Ridderbusch, basse (Kaspar)
James King, ténor (Max)
Gustav Elger, voix parlée (Samuel)
Franz Crass, basse (L’ermite)
Heinz Zednik, ténor (Kilian)
Chor und Orchester der Wiener Staatsoper
Karl Böhm, direction
Enregistré à Vienne le 28 mai 1972
Un album de 2 CD du label Orfeo C7320721
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr ―
Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le chef Karl Böhm – Photo : © DR