Qui ouvre ainsi l’éventail de Los requiebros, puis le plie et le déplie dans toutes les subtilités galantes, les ponctuations, les suspensions dont Enrique Granados l’aura animé ? Sofya Melikyan, une jeune pianiste d’origine arménienne, formée à bonne école, élève au Conservatoire Royal de Madrid de Joaquín Soriano.
On sait que Goyescas est à peu près la musique la plus difficile à jouer ensemble pour les doigts et pour l’esprit. Outre qu’il faut savoir faire sonner l’instrument d’une manière bien particulière, tout y est affaire de style, on peut l’apprendre mais cela s’entend, Sofya Melikyan le possède naturellement, mieux, elle respire la « lyrique » de Granados, ploie et déploie son clavier dans les arabesques complexes qui jouent avec le temps musical.
Cette musique ne s’interprète pas, elle se respire et ici, le naturel est confondant, la profondeur de l’harmonie, la rondeur des timbres et l’élan des accents, les couleurs profuses, intenses qui d’un instant à l’autre s’aquarellisent – écoutez son Rossignol ! –, la tendresse et la sensualité – son Coloquio en la reja vous a de ses mystères ! – mais aussi l’amertume qui veut soudain plus de sécheresse dans les timbres – la Sérénade du spectre ! – tout y est, même si Alicia de Larrocha débrouillait avec plus de brio le taconeo obstiné d’El fandango de candil.
Tristesse, ne pas avoir l’ajout d’El Pelele, mais joie d’entendre génialement placées face au chef-d’oeuvre de Granados les Variations sur un thème de Chopin faites avec une sensibilité, une délicatesse, une intelligence qui rendent justice au génie modeste, à la poésie fragile de Federico Mompou.
LE DISQUE DU JOUR
Enrique Granados
(1867-1916)
Goyescas
Federico Mompou
(1893-1987)
Variations sur un thème de Chopin
Sofya Melikyan, piano
Un album du label Etcetera KTC1607
Acheter l’album sur le site du label Etcetera, sur le site www.ledisquaire.com
Photo à la une : © DR