J’avoue un tropisme pour le 17e Concerto, je l’avais découvert enfant sous les doigts d’Edwin Fischer qui faisait dans le Finale une petite tempête de parc dont la fantaisie me ravissait. Puis je trouvais dans la discothèque de ma grand-mère une autre version, dans une pochette bien plus « cheap » que celle des Gravures illustres où tout Fischer était réédité.
La discrétion du pianiste, la mesure de l’orchestre (pourtant les Berliner Philharmoniker), une sorte de nostalgie sans appui qui devenait si émouvante dans l’Andante avec sa sérénade de bois, tout différait tant du jeu autrement affirmé de Fischer. Qui donc pouvait être ce pianiste ? Andor Földes, dont je ne savais rien, et je m’étonnais de le voir si scrupuleusement accompagné par Fritz Lehmann dont je ne connaissais que la Gran Partita si solaire.
Eloquence Australie a eu la bonne idée de regrouper les concertos de Mozart que le pianiste hongrois grava en toute discrétion entre 1955 et 1963, cinq opus partagés entre monophonie et stéréophonie qui furent réservés au marché allemand puis déclassés pour certains en série Résonnance ou Höhepunkt, lectures évidentes qui creusent l’espace poétique, cherchent même dans les opus plus ombreux une nostalgie lyrique.
Le toucher précis, sans aucun épanchement, fait un Mozart incroyablement clair, sans pathos et d’autant plus touchant. Lorsque Földes ajoute ses cadences dans le 21e et le 25e, on comprend à quel point il veut littéralement disparaître derrière les œuvres, lui qui pourtant chez Schubert comme chez Bartók proclamait sa singularité. Ici, tout n’est que Mozart.
Bonheur, les accompagnements ne datent pas, que ce soit ceux de Leopold Ludwig qui regarde vers l’opéra, ou ceux de Lehmann – ombré dans le 17e, solaire dans le Concerto pour deux pianos où Carl Seemann joue le primo.
Et surprise, l’inconnu (de moi !) Paul Schmitz laisse les Berliner respirer à pleins poumons dans le 21e. L’éditeur ajoute une des plus belles versions de la difficile Fantaisie de Beethoven qui connut beaucoup d’appelés et peu d’élus. Dans mon panthéon, Földes y rejoint Hans Richter-Haaser.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour deux pianos et orchestre en mi bémol majeur, K. 365*
Concerto pour piano et orchestre No. 15 en si bémol majeur, K. 450
Concerto pour piano et orchestre No. 17 en sol majeur, K. 453
Concerto pour piano et orchestre No. 21 en ut majeur, K. 467
Concerto pour piano et orchestre No. 25 en ut majeur, K. 503
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fantaisie pour piano, choeur et orchestre en ut mineur, Op. 80
Andor Földes, piano
*Carl Seeman, piano
RIAS Kammerchor
Gewandhausorchester Leipzig
Berliner Motettenchor
Berliner Philharmoniker
Fritz Lehmann, direction (K. 365, 453; Beethoven)
Leopold Ludwig, direction (K. 450, 503)
Paul Schmitz, direction (K. 467)
Un album du label Deutsche Grammophon 4828533 (Collection « Eloquence Australie »)
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