Dobbiaco vous connaissez ? Et si je vous dis Toblach ? Un petit chalet qui regarde la montagne, Das Lied von der Erde ?
C’est dans les paysages qui auront porté les ultimes inspirations de Gustav Mahler que Fabrizio Chiovetta a enregistré ce disque périlleux : trois Sonates de Mozart, le Rondo en la mineur. Jean-Jacques Eigeldinger lui signe le texte de pochette, aussi finement réglé que l’est cette merveille de Steinway (messieurs les pianistes, notez le numéro : 578416) que le pianiste joue dans l’acoustique immaculée de la Sala Mahler dont les micros de Maximilien Ciup restituent l’aération.
Périlleux de commencer recta sur le Maestoso de la Sonate en la mineur, où Dinu Lipatti faisait assaut de classicisme, où à la reprise Walter Gieseking faisait claquer des ténèbres très Don Giovanni. Fabrizio Chiovetta équilibre tout, geste souverain, piano volatile, main gauche élégante, l’urgence, ce n’est pas la fièvre, c’est l’envol, et jusque dans les nuances dolce, dans les contrechants, dans les contre-jours, ce piano léger mais ample s’élève et vous transporte. Merveille classique très Lipatti où se glisse une pointe de Sturm und Drang.
Et la confidence ? Ecoutez un peu le récitatif très « Porgi amor » qui dore de sa mélodie mélancolique l’Adagio de la Sonate en mi bémol majeur, idée de génie que le pianiste murmure dans l’ivoire et l’ébène avec partout cette lumière douce, féminine. La Comtesse, on vous dit ! Cette Sonate en demi-caractère est l’une des plus délicates à cerner, je ne l’ai pas entendu aussi sentie depuis Paul Badura-Skoda, dédicataire de l’album, un hasard ?
La structure parfaite et le discours fluide mais brillant de la Sonate en fa majeur est plus aisé à saisir, mais aussi à brusquer. Le jeune pianiste suisse s’en garde bien, la jouant à la façon dont Kempff jouait son Mozart, faisant chanter les timbres dans le mouvement, ponctuant d’une main gauche vive mais jamais sèche, ébrouant le grand geste festif d’un Finale sans nuage. Mozart se régale !
Et puis rêve, nostalgique mais pas désespéré, dans le plus tendre, le plus pudique des Rondo en la mineur que j’ai entendus depuis celui de Lili Kraus. À la toute fin du disque, pour ceux qui savent écouter, les cinquante-huit mesures de l’Adagio pour harmonica de verre éclairent la nuit.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate No. 4 en mi bémol majeur, K. 282/189g
Sonate No. 8 en la mineur, K. 310/300d
Sonate No. 12 en fa majeur, K. 332/300k
Rondo en la mineur, K. 511
Adagio pour glasharmonica en ut majeur, K. 356/617a
Fabrizio Chiovetta, piano
Un album du label Aparté AP199
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Photo à la une : © DR