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Debussy, esseulé par son cancer, révulsé par la Grande Guerre, réaffirma une certaine idée de l’art français en trois opus pour la chambre, trois sonates où l’intime le dispute à la fantaisie.

Le disque eut assez tôt la bonne idée de les réunir, triptyque impeccable tel les trois facettes d’une même gemme taillée d’un ciseau hardi. La brillante équipe assemblée par harmonia mundi en offre une vision acérée dès la Sonate pour violon et pianoIsabelle Faust déploie un vocabulaire expressif qu’elle n’emploie jamais autant qu’en abordant le répertoire français. La liberté de son archet colle pourtant au texte dans chaque détail où se glisse le piano opulent d’Alexander Melnikov. Admirable jusque dans un Finale fantasque où s’ébroue le faune du Prélude.

Autrement sombre, minéral, le violoncelle de Jean-Guihen Queyras va au cœur du chef-d’œuvre qu’est la Sonate pour violoncelle, partition cyclothymique dont même le Finale déploie une nuance dramatique jusque dans sa danse. Cet archet méditatif et pourtant leste s’accorde au piano tout en ombres de Javier Perianes, décidément chez lui chez Debussy … qui la jouait si sombre, si dense ? Maurice Maréchal.

Entre les Sonates, Tanguy de Williencourt glisse avec une émotion discrète qui donne envie de l’entendre dans tout un disque Debussy, quatre feuillets d’album inspirés par la guerre, Berceuse héroïque et son clairon fantôme, l’esseulement de la page pour L’Œuvre du Vêtement du blessé, l’amère Elégie, et l’intimité rougeoyante des Soirs illuminées par l’ardeur du charbon par quoi se clôt le disque dont le plus saisissant opus reste l’échappée belle qu’est la Sonate pour flûte, alto et harpe, pastorale hors du temps où les blessures de la guerre auront cicatrisé par avance : on n’en a jamais saisi à ce point la poésie de timbres, rendue ici par des instruments « historiques », une harpe Erard que Xavier de Maistre fait miroiter, un alto voix humaine de Stradivarius qu’Antoine Tamestit joue avec un archet français du XIXe siècle, et une flûte de 1880 aux couleurs d’eau morte irréelles que Magali Mosnier caresse de son souffle. L’idéal sonore debussyste s’incarne soudain.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy
(1862-1918)

Sonate pour violon et piano en sol mineur, L. 148
Isabelle Faust, violon
Alexander Melnikov, piano

Berceuse héroïque, L. 140 (version pour piano)
Élégie, L. 146
Pièce pour le Vêtement du blessé, L. 133
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon, L. 150
Tanguy de Williencourt, piano

Sonate pour flûte, alto et harpe, L. 145
Magali Mosnier, flûte
Antoine Tamestit, alto
Xavier de Maistre, harpe

Sonate pour violoncelle et piano, L. 144
Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Javier Perianes, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902303
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Photo à la une : le compositeur français Claude Debussy – Photo : © DR