Ironie du destin, Rudolf Kempe n’aura pas eu le temps de voir publier la somme Richard Strauss qu’il engrangea quatre années durant avec sa chère Staatskapelle de Dresde. La mort le cueillit le 12 mai 1976, à soixante-cinq ans !, la pleine force de l’âge pour les chefs d’orchestre.
Cette somme impérissable qui ajoutait aux poèmes symphoniques tous les concertos et quelques suites (celle des Valses du Rosenkavalier, opéra écrit pour Dresde qui y déploie un style inimitable même par les Viennois ; celle du Bourgeois gentilhomme, d’une fantaisie et d’une électricité incroyable ici ; la Mondschein-Musik de Capriccio avec le cor nostalgique de Peter Damm) fut l’occasion de séances mémorables où la bonhomie de Kempe et son rapport si fraternel à l’orchestre parvinrent à dérider les autorités de l’Allemagne de l’Est qui gardaient un œil jalousement féroce sur les activités de la Staatskapelle.
Kempe, trop heureux d’être doublement chez lui à Dresde et chez Richard Strauss produisit un ensemble dont la finesse des détails, l’exactitude des tempos, la clarté du jeu d’orchestre n’ont eu pour rival que les gravures de Karl Böhm dispersées entre divers orchestres.
Longtemps l’Occident n’aura connu que des éditions partant d’un jeu de bande un rien médiocre. En 2013, les bandes originales furent enfin mises à la disposition de Warner qui réalisa une nouvelle édition reprise ici : tout y sonne en lumière, achevant de rendre cette somme parfaite.
De Dresde toujours, la Radio Saxonne exhume la bande de la reprise de Daphne en 1950 dans une nouvelle production, ajout d’importance à la discographie de Rudolf Kempe : la troupe (où paraît le jeune Theo Adam), mis à part le Peneios de Gottlob Frick, alignent des voix peu connues de ce côté-ci du Rideau de fer, mais l’ardeur de l’Apollo d’Helmut Schindler, le grand caractère déployé par la Daphne de Gudrun Wüstemann (l’antithèse des charmes d’Hilde Güden), la Gaea d’Helena Rott montrent ce qu’est une vraie troupe d’opéra à l’œuvre. Kempe brosse la fresque amoureuse avant d’embaumer la métamorphose, moment magique, simplement impérissable.
Edition particulièrement soignée, livret à l’iconographie faramineuse, l’éditeur ajoute les 78 tours dirigés par Karl Böhm dans la foulée de la création de l’œuvre avec la Daphne de Margaret Teschemacher et l’Apollon de Torsten Ralf, ainsi que la version orchestrale de la transformation de Daphne par la Staatskapelle de Dresde et Rudolf Kempe.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss (1864-1949)
L’œuvre d’orchestre (Intégrale)
Ulf Hoelscher, violon
Max Rostal, alto
Paul Tortelier, violoncelle
Peter Damm, cor
Manfred Clement, hautbois
Manfred Weise, clarinette
Wolfgang Liebscher, basson
Malcolm Frager, piano
Peter Rösel, piano
Staatskapelle Dresden
Rudolf Kempe, direction
Un coffret de 9 CD du label Warner Classics 0190295542511
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Richard Strauss
Daphne, Op. 82, TrV 272
(+ extraits de la représentation dirigée en 1938 par Karl Böhm)
Gottlob Frick, basse (Peneios)
Helena Rott, contralto (Gaea)
Gudrun Wüstemann, soprano (Daphne)
Werner Liebing, ténor (Leukippos)
Helmut Schindler, ténor (Apollo)
Arno Schellenberg, baryton (1. Schäfer Adrast)
Karl-Heinz Thomann, baryton (2. Schäfer Kleontes)
Kurt Legner, baryton (3. Schäfer)
Theo Adam, baryton (4. Schäfer)
Elisabeth Reichelt, soprano (1. Magd)
Ruth Lange, mezzo-soprano (2. Magd)
Staatskapelle Dresden
Chor der Staatsoper Dresden
Rudolf Kempe, direction
Un album du label Profil/Haenssler 0007038PH
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Photo à la une : © DR