Liszt à l’opéra

Programme périlleux : les paraphrases que Liszt tira des opéras de ses contemporains sont doublement délicates. Les doigts y sont sollicités contre le clavier pour imaginer un orchestre et des chanteurs, les thèmes de Verdi, les leitmotivs de Wagner s’y encorbellent de trilles, de contre-chants, d’accords mais c’est d’abord l’imaginaire du pianiste qui doit rencontrer celui du compositeur.

Aurélien Pontier a les doigts du bon Dieu, cela s’entend tout de suite et d’abord par sa science des timbres qu’avive ce grand son jamais frappé où l’espace du piano peut résonner sans saturer le cadre de bois : écoutez sa Mort d’Isolde, élévation constante qui sait imaginer le forte en commençant chaque crescendo plus piano. Mais il a surtout un jeu d’un raffinement absolu qui sait faire surgir des personnages : on voit la mort du Doge dans les sombres Réminiscences de « Simon Boccanegra ».

Des couleurs partout, mais des couleurs expressives, un art de la demi-teinte qui n’affadit pourtant jamais l’urgence du discours, et lorsqu’il faut absolument briller, ce sera sans coquetterie : sa Valse de « Faust » conquérante, lancée, d’une enivrante plénitude, avec en son centre cette rêverie hors du temps, signe un album décidément admirable qui le fait entrer dans la cour des grands.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Liszt (1811-1886)
Paraphrase de concert sur « Rigoletto » de Verdi, S. 434
Réminiscences de « Simon Boccanegra » de Verdi, S. 438
Paraphrase de concert sur Miserere du « Trovatore » de Verdi, S. 433
Feierlicher Marsh zum heiligen Gral, du « Parsifal » de Wagner, S. 450
Liebestod, du « Tristan et Isolde » de Wagner, S. 447
Les Sabéennes, Berceuse de « La Reine de Saba » de Gounod, S. 408
Valse du « Faust » de Gounod, S. 407

Aurélien Pontier, piano

Un album du label Ilona Records LIR9174223
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Photo à la une : le pianiste Aurélien Pontier – Photo : © DR