Symphonies de timbres

L’Octuor, cette grande symphonie déguisée en sérénade que Schubert brossa en 1824, chéri longtemps des seuls musiciens viennois, s’est fait une seconde jeunesse depuis que les solistes de l’Academy of Ancient Music y ont invité leurs instruments d’époque. Car c’est tout le secret de la poétique de Schubert qui réside dans leurs alliages sonores tendres mais fulgurants, mieux, ils lui rendent ses rythmes conquérants, ses polyphonies élancées qui plus d’une fois font écho à la Grande Symphonie en ut.

Assurément, c’est à elle que pensent Isabelle Faust et ses amis, tendant le discours, fusant les rythmes, ne jouant pas le jeu de la sérénade mais bien celui d’une grande partition qui cherchent à excéder les dimensions d’un octuor quitte à sonner un rien sec, péremptoire. Mais c’est de bout en bout affirmer la stature de chef-d’œuvre d’une œuvre où jusque-là beaucoup auront musardé, la réduisant à son décor.

Les amis d’Anima Eterna Brugge la voient d’un autre angle, sérénade absolument, avec les moyens de cette politique : les beautés de cette clarinette, de ce cor, de ce basson emportés par ces cordes de soie font un univers transcendant de poésie, d’une délicatesse de touche, d’une subtilité dans les couleurs qui n’excluent jamais la danse, encore moins la vivacité.

Mais lorsque le nocturne de l’Adagio déploie son mystère, cette clarinette perdue dans un clair de lune, c’est Mozart. Chef-d’œuvre tendre et brillant, où se glisse toujours, même dans les éclats du Finale ou du Scherzo, une pointe de nostalgie.

Les amis de Bruges ajoutent l’invention délicieuse du grand Septuor de Berwald, alors qu’Isabelle Faust et sa bande restaient chez Schubert pour une rareté, deux des cinq Menuets D. 89 arrangés par Oscar Strasnoy. Entre ces deux versions de l’Octuor, mon cœur est trop heureux de balancer, un peu plus vers la Flandre.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)
Octuor en fa majeur, D. 803
5 Menuets, D. 89 (2 extraits,
arr. pour octuor : Nos. 3 & 5)

Isabelle Faust, violon
Anne Katharina Schreiber, violon
Danusha Waskiewicz, alto
Kristin von der Goltz, violoncelle
James Munro, contrebasse
Lorenzo Coppola, clarinette
Teunis van der Zwart, cor
Javier Zafra, basson
Un album du label harmonia mundi HMM902263
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Franz Schubert (1797-1828)
Octuor en fa majeur, D. 803
Franz Berwald (1796-1868)
Grand Septuor en si bémol majeur

Anima Eterna Brugge
Lisa Shklyaver, clarinette
Lisa Goldberg, basson
Ulrich Hübner, cor
Jakob Lehmann, violon 1
László Paulik, violon 2 (Schubert)
Davit Melkonyan, violoncelle
Beltane Ruiz Molina, contrebasse

Un album du label Alpha Classics 461
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Photo à la une : les musiciens d’Anima Eterna Brugge – Photo : © DR