Le Mage de Munich

Finalement, au long de son magister à Munich, le disque engrangea peu de ce qu’y inventa Wolfgang Sawallisch. Côté lyrique EMI documenta tardivement sa Frau ohne Schatten, son Ring, heureusement Orfeo apporta plus d’attention à son legs symphonique.

Un album d’ouvertures lançait le bal (Wagner, Verdi, Mozart, Beethoven, Brahms marginalement ajouté), rappelant d’abord que sa place était en fosse. Munich qui le savait chef de théâtre l’avait appelé pour cela dès la fin des années soixante. Prise de son en deçà (et pourtant dans la Herkulessaal).

Coup de théâtre, l’année suivante avec une 6e de Bruckner vive, tranchante, tout en rythmes et en attaques, pas si éloignée que cela des relectures drastiques que pratiquait alors Günter Wand à Cologne. On n’attendait pas Sawallisch ici, il réaffirmait avec prestance et aussi abruptement sa prééminence dans le grand répertoire germanique.

La même clarté s’invite dans les deux Symphonies de Weber, peu courues depuis Erich Kleiber, que tour à tour il allège comme du Mozart et plonge soudain dans un romantisme noir. Génial. La même année (1983), Ein Deutsches Requiem ardent surclasse son premier essai viennois (pour Philips) : quels chœurs !, émus lorsque Margaret Price vient ployer au dessus d’eux la grande phrase de Ihr habt nun Traurigkeit.

Retour à Bruckner pour une Première Symphonie historique, mordante, lumineuse, latine, si proche par les tempos, l’articulation, les rythmes fusants de celle qu’Abbado avait inventée avec les Wiener Philharmoniker pour Decca. Les 5e et 9e suivront, plus distantes, plus posées, comme conscientes qu’un autre monde s’y impose, et comment alors ne pas pleurer l’absence de toutes les autres tant l’arc d’une intégrale semblait pourtant tendu !

Marginal et d’autant plus précieux, le volume Pfitzner, signe de la dévotion de ce musicien discret, savant, subtil, à une cause et même à un nom, malgré Palestrina et certainement hors de Munich absolument perdue alors. Un artisan ? Un artiste, trop ignoré aujourd’hui. Merci Orfeo de ces beaux souvenirs.

Et maintenant si le label munichois nous rendait, cette fois en hommage posthume, son Arabella, son Rosenkavalier où triomphaient les splendeurs de Lucia Popp en son glorieux automne… Tentant, non ? Les bandes dorment dans les archives de la Radio Bavaroise. Allez, un bon mouvement.

LE DISQUE DU JOUR

Limited Edition aus Anlass des 95. Geburstages von Wolfgang Sawallisch
(26. August 1923 – 22 Februar 2013)

Carl Maria von Weber (1786-1826)
Symphonie No. 1 en ut majeur, Op. 19, J. 50
Symphonie No. 2 en ut majeur, J. 51
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 1 en ut mineur, WAB 101 (Version Linz 1877, edition Haas)
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, WAB 105
Symphonie No. 6 en la majeur, WAB 106
Symphonie No. 9 en ré mineur, WAB 109
Johannes Brahms (1833-1897)
Un Requiem allemand, Op. 45*
Ouverture tragique, Op. 81
Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96 (extrait : Prélude)
Giuseppe Verdi (1813-1901)
La forza del destino (extrait : Prélude)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
La Flûte enchantée, KV 620 (Ouverture)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Leonore Overture No. 2, Op. 72a
Hans Pfitzner (1869-1949)
Palestrina (Eine Musikalische Legende), WoO 17
Das Käthchen von Heilbronn, Op. 17 (Ouverture)
Die Rose vom Liebesgarten (2 extraits : Blütenwunder, Trauermarsch)

Margaret Price, soprano
Sir Thomas Allen, baryton
Chor des Bayerischen Rundfunks
Kammerchor der Hochschule für Musik München
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Bayerisches Staatsorchester
Wolfgang Sawallisch, direction

Un coffret de 8 CD du label Orfeo C957188L
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : Wolfgang Sawallisch signant des autographes, en octobre 1994 – Photo : © DR