Le père de Vladimir Ashkenazy fut un aussi éminent pianiste que son fils, mais dans un autre monde, celui du piano de divertissement, qui en Russie mêlait alors chansons populaires et jazz, tout un univers qui nous est maintenant mieux connu depuis que les œuvres de Nikolai Kapustin ont conquis l’Occident.
Oleg Akkuratov, ce jeune homme aveugle qui chante des standards du jazz américain en s’accompagnant au piano ou avec le Igor Butman Quartet, représenterait-il la coda de cet art qu’on croyait perdu ? Si le père de Vladimir Ashkenazy ne dédaignait pas en privé jouer Chopin ou Beethoven, la scène ne l’aura jamais vu dans ce répertoire, le mélange des genres était proscrit : on ne pouvait être l’un et l’autre.
Mais au conservatoire de Rostov, Vladimir Daich sut d’emblée que le jeune Oleg avait un sens musical universel, et parallèlement à son cursus dans les classes de jazz, il n’eut guère de peine à faire entrer dans son univers Bach et Beethoven : le jazz, musique savante, plonge la moitié de ses racines dans la musique classique. Et voici donc le jeune homme enregistrant les trois plus célèbres sonates de Beethoven pour Melodiya.
Sens de la ligne, élégance du toucher, perfection de l’équilibre des registres qui montre un stupéfiant jeu à dix doigts où les polyphonies chantent d’elles même, le tout ombré par une certaine mélancolie qui dore d’une lune songeuse l’Andante de la 14e Sonate mais aussi le Cantabile de la Pathétique. Sans aucun doute, tout cela est d’un artiste avant même que d’un fabuleux pianiste qui jamais ne sature son instrument, mais en élève le clavier avec une élégance folle : écoutez seulement les Finales de la Clair de lune ou de l’Appassionata.
Son Beethoven est si impeccablement classique, en rythmes souples, en trais véloces, au point que certains pourraient trouver qu’il peut manquer un peu de caractère. J’admire cette claire simplicité qui illumine le texte avec tant d’art et j’espère déjà une suite.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1860-1911)
Sonate pour piano No. 8
en ut mineur, Op. 13
« Pathétique »
Sonate pour piano No. 14
en ut dièse mineur, Op. 27
No. 2 « Clair de lune »
Sonate pour piano No. 23
en fa mineur, Op. 57
« Appassionata »
Oleg Akkuratov, piano
Un album du label Melodiya MELCD1002552
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Photo à la une : le pianiste Oleg Akkuratov – Photo : © DR