Il manquait encore trois sonates à Jonathan Biss pour boucler son intégrale, les voici, choisies sciemment pour illustrer les trois visages du piano de Beethoven.

Sa Septième Sonate, jouée avec quelque chose de faussement brillant, caracole, très Haydn de toucher, mais très Beethoven par les humeurs, la versatilité, et l’urgence du discours qui ne vient pourtant pas polluer l’équilibre d’un jeu admirablement classique. Le contrôle de ce piano est saisissant, montrant déjà dans ce Beethoven qui s’émancipe les folies, les foucades des opus à venir mais encore tenues dans une langue en parfait équilibre.

Dès les premières formules en suspens qui ouvrent ce capriccioso délicieux qu’est la 18e Sonate, on sent que ce piano s’est élargi, que des paysages vont y paraître, Jonathan Biss raffinant son jeu, le suspendant dans des demi-teintes, des demi-mots, avec des grâces, une fantaisie, des subtilités de phrasé qui sont l’apanage des plus grands pianistes.

L’ultima verba peut paraître : Maestoso certes, mais sans les flamboiements, la violence péremptoire que tant y auront proclamés. Le jeune homme préfère, comme Wilhelm Kempff jadis, la prière, le chant long, la main gauche qui sonde d’un trille le clavier comme à la recherche d’un autre monde. Et voici l’Arietta, belle comme le chant d’un voyageur d’hiver, apaisée, éternelle, tenue longtemps aux limites d’un silence qui est la source-même de sa musique ténue, une prière.

Pour l’anniversaire Beethoven, je ne souhaite qu’une chose à Jonathan Biss : qu’il trouve un orchestre pour enregistrer les Concertos et que son éditeur lui demande les Diabelli, les Eroica, les Bagatelles : avec Beethoven, il est chez lui.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 7 en
ré majeur, Op. 10 No. 3
Sonate pour piano No. 18 en mi bémol majeur, Op. 31 No. 3
Sonate pour piano No. 32 en ut mineur, Op. 111

Jonathan Biss, piano

Un album du label Orchid Classics ORC100109
Acheter l’album sur le site du label Orchid Classics ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le pianiste Jonathan Biss – Photo : © DR