Longtemps, Incantation resta dans le catalogue des œuvres de Martinů un opus maudit, chef-d’œuvre radical illustrant de la plus flamboyante façon l’ultime manière d’un compositeur qui avait essentialisé son écriture, au point que seule la version de Josef Páleníček, incendiaire, circulait au compte-gouttes alors même qu’on redécouvrait le Martinů néo-classique.
Incantation est un rituel, une œuvre païenne d’une modernité saisissante, probablement ce que Martinů aura écrit de plus absolu. Le feu, le son ample et grondant qu’Ivo Kahánek met à son interprétation violente indique qu’il a pour modèle bien plus Páleníček que le créateur de l’œuvre, Rudolf Firkušný, qui l’enregistra un peu tard et lui apposait une certain verni.
Ici, dans l’orchestre plein de bruits de nature des Bamberger que Jakub Hrůša dirige d’une baguette acérée, ce piano-monde saisit l’écriture mystérieuse et fulgurante d’un opus fascinant.
Plus étonnant, les mêmes réussissent un Concerto de Dvořák – pour le coup propriété absolue de Firkušný – aussi lyrique, aussi chantant, d’une fougue et d’une poésie conquérantes : affaire de timbres du côté de l’orchestre, les Bamberger ayant conservé des bois aussi verts que ceux des musiciens tchèques, et d’imagination sonore chez le pianiste qui chante dans toute la profondeur de son admirable piano réglé à la perfection par Erich Friedrich. Mais aussi exceptionnel que soit ce Dvořák, c’est d’abord au chef-d’œuvre de Martinů que vous irez.
LE DISQUE DU JOUR
Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour piano et orchestre en sol mineur,
Op. 33, B. 63
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Concerto pour piano et orchestre No. 4 “Incantation”, H. 358
Ivo Kahánek, piano
Bamberger Symphoniker
Jakub Hrůša, direction
Un album du label Supraphon SU-42362
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Photo à la une : le pianiste Ivo Kahánek – Photo : © Emil Bratršovský