Il y a deux sortes de pianistes qui signent l’orée de leur carrière au disque : ceux qui gravent les trois dernières Sonates de Beethoven ou ceux qui enregistrent les Vingt-Quatre Etudes de Chopin.

Amir Katz ne les aura pas gravées d’emblée. Commençant chez Chopin pour son premier éditeur Oehms, et sur un Steinway aux teintes diffuses, il aura choisi les Nocturnes, les débarrassant de tout narcissisme, les jouant très bel canto, clair de lune, avec cette poésie qui refuse l’affectation. Pour un cycle où tant de pianistes se font voir et entendre avant la musique et où tant d’autres pathétisent à loisir, cette pudeur, cette discrétion, la simple beauté d’une sonorité tout en équilibre, la clarté des phrasés dans l’étoffe moirée d’un clavier où les voix intermédiaires chantent, déliées, élégantes toujours, c’est merveille et dans la discographie des œuvres à peu près sans équivalent : en comparaison, le geste de Bruno Rigutto revenant à un cycle qu’il aura révolutionné, semble si noir, si tragique.

L’année suivante, les Ballades et les Impromptus le trouveront également inspiré pour dévoiler les deux visages de Chopin : l’élan narratif et la fantaisie discursive. Ses Ballades sont classiques de phrasés, de tons, la Quatrième est ce monde en soi où Chopin passe de l’autre côté du miroir et Amir Katz fait entendre ce moment où l’émotion se dissout dans une poésie de paysages : on voit l’horizon et l’ultime rayon du soleil. Quel piano, et quel pianiste !, qui sait trouver le ton « entre-deux » des Impromptus, doigts légers qui timbrent, main gauche véloce qui contre-chante, contre-joue, écoutez seulement le discours fluide de l’Op. 29.

Et les Etudes ? Un nouvel éditeur offrait au jeune pianiste des horizons nouveaux : son amitié avec Pavol Breslik le menait chez Orfeo. Une Belle meunière magnifique de pur lyrisme, la plus passionnée depuis celle de Fritz Wunderlich montrait chez Amir Katz des affinités particulières avec Schubert que sacra une gravure éblouissante des Impromptus : littéralement, on ne les avait plus entendus joués avec autant de caractère depuis Edwin Fischer.

Deux mois plus tard, toujours à la Salle 1 de la Funkhaus Nalepastrasse et sur le même Steinway, il se mesurait aux Vingt-Quatre Etudes. Sa technique impeccable le délivre de tout souci de virtuosité, son jeu clair, le raptus de sa fabuleuse main gauche, l’absolu contrôle des polyphonies emportent l’Opus 10 d’un trait, avec des allégements, un toucher volatile, des couleurs irradiantes qui semblent comme venus d’une autre époque pianistique.

Mais la vraie merveille reste l’Opus 25, où la virtuosité n’est plus que poésie, le clavier devant s’y parer de teintes irréelles. Une telle science du clavier dans cet opus si singulier me rappelle le geste d’aquarelliste de Grigori Ginzburg. Tant d’élégance, tant d’art, tant de poésie, décidément Amir Katz est chez lui dans l’univers de Chopin.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin (1810-1849)
3 Nocturnes, Op. 9
3 Nocturnes, Op. 15
2 Nocturnes, Op. 27
2 Nocturnes, Op. 32
2 Nocturnes, Op. 37
2 Nocturnes, Op. 48
2 Nocturnes, Op. 55
2 Nocturnes, Op. 62
Nocturne en mi mineur, Op. 72 No. 1
Nocturne en ut dièse mineur, Op. posth.
Nocturne en ut mineur, Op. posth.

Amir Katz, piano
Un album de 2 CD du label Oehms Classics OC779
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Frédéric Chopin
Ballade No. 1 en sol mineur, Op. 23
Ballade No. 2 en fa majeur,
Op. 38
Ballade No. 3 en la bémol majeur, Op. 47
Ballade No. 4 en fa mineur,
Op. 52
Impromptu No. 1 en la bémol majeur, Op. 29
Impromptu No. 2 en fa dièse majeur, Op. 36
Impromptu No. 3 en sol bémol majeur, Op. 51
Fantaisie-impromptu en ut dièse mineur, Op. 66

Amir Katz, piano
Un album de 2 CD du label Oehms Classics OC402
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Frédéric Chopin
12 Etudes, Op. 10
12 Etudes, Op. 25

Amir Katz, piano
Un album du label Orfeo C922171A
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Photo à la une : le pianiste Amir Katz – Photo : © DR