Au centre du Poco Adagio, une rumeur de tempête piquée de hautbois, de clarinettes, de fifres, d’appels lointains de trompettes, surprend l’oreille. Béla Bartók n’avait que vingt-quatre ans lorsqu’il composa sa Première Suite pour orchestre, embaumant ses cinq mouvements de faux thèmes populaires et de tout un imaginaire sonore qui n’est pas si éloigné que cela des musiques nouvelles que Vienne entendait, de Franz Schmidt à Erich Wolfgang Korngold, en passant par les premiers opus de Schönberg ou les partitions d’Alexander von Zemlinsky. L’œuvre, longtemps considérée comme un opus mineur, eut de la chance au disque, János Ferencsik, Antal Doráti et Zoltán Kocsis la défendant avec ardeur.
Pourtant, il me semble que Thomas Dausgaard va encore plus loin, affutant encore les parentés avec les compositeurs viennois, ce qui ne peut étonner venant d’un chef qui s’est dévoué à l’œuvre de Zemlinsky. A l’égal d’Antal Doráti, il fait entrer dans cet orchestre merveilleusement sombre et rugueux une lumière intense qui fait chanter le formidable appareil symphonique que Bartók y aura expérimenté, lecture fascinante que sert une prise de son exemplaire.
Et quelle belle idée d’y avoir joint l’autre œuvre symphonique en cinq mouvements venue à la quasi fin de l’existence du compositeur, le Concerto pour orchestre, joué âpre, fantomatique, au Giuoco delle coppie où Thomas Dausgaard semble se souvenir du geste mortifère de Karel Ančerl. Le Finale, incendié, virtuose, flamboyant ses formules baroques, mais surtout joué si espressivo, est irrésistible.
LE DISQUE DU JOUR
Béla Bartók (1881-1945)
Suite pour orchestre No. 1,
Op. 3, Sz. 31, BB 39
Concerto pour orchestre,
Sz. 116, BB 123
BBC Scottish Symphony Orchestra
Thomas Dausgaard, direction
Un album du label Onyx Classics 4210
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Photo à la une : le chef d’orchestre Thomas Dausgaard – Photo : © Brandon Patoc/Seattle Symphony