Sonates et ballet

Impossible de trouver Sonates plus contrastées : les deux opus que Prokofiev consacra au violon et au piano parlent littéralement deux langues étrangères l’une à l’autre.

Elsa Grether et David Lively préfèrent entrer d’abord dans la pastorale joueuse, l’écriture assez française de la Seconde Sonate, l’archet de la violoniste chantant très libre, vocal, se souvenant que Prokofiev l’avait écrite d’abord pour la flûte. Tempos sereins, piano-paysage, cette idylle rayonne dans un accord parfait entre les deux amis.

Le contraste avec la Première Sonate, pour attendu qu’il soit, surprend : cette véhémence, ce jeu sombre où l’archet abrase la corde, la tension dramatique que David Lively produit en creusant le son de son piano trouvent le ton futuriste et angoissé de cette partition radicale jusque dans sa coda si singulière. Quel autre violoniste jouait ici avec tant d’intensité ? Gidon Kremer aurait-il servi de modèle à Elsa Grether ?

Elle ajoute la Sonate pour violon seul que Prokofiev écrivit pour David Oïstrakh, ardant les phrasés, jouant à plein archet, emportant son écriture si éloquente. Deux brèves ponctuations viennent oxygéner ce disque exigeant, Masques tirés de Roméo et Juliette est merveilleux d’inventions poétiques, montrant un duo idéalement apparié qui demain ferait bien de songer à un album tout Ravel.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour violon et piano No. 2 en ré majeur, Op. 94bis
Sonate pour violon seul en ré majeur, Op. 115
Sonate pour violon et piano No. 1 en fa mineur, Op. 80

Elsa Grether, violon
David Lively, piano

Un album du label Fuga Libera FUG749
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Photo à la une : la violoniste Elsa Grether – Photo : © Jean-Baptiste-Millot