La Reine de Castille

Arrivé à Hambourg, Haendel, tout juste vingt ans, écrit son premier opéra, où se mêlent comme le veut l’usage du temps langue allemande et airs parfois en italien, où s’avoue son admiration des ouvrages lyriques de Reinhard Keiser qui règne alors sur la scène hanséatique et dont il est le premier violon. Keiser applaudira Almira, accueillant avec générosité son auteur et lui procurera un deuxième livret, celui de Nero, opéra perdu comme le suivant, Die verwandelte Daphne.

Almira est donc l’unique opéra de l’époque hambourgeoise qui nous soit parvenu, partition immature certes, mais où toute la fougue d’Haendel s’emploie à illustrer les émotions, les états d’âme, faisant son théâtre bien plus moderne que ceux de Keiser ou de Hasse. Le voyage en Italie transformera ses essais lyriques en vrai théâtre dramatique, et ce dès Rodrigo que Florence verra à l’automne 1707.

CPO a de la suite dans les idées. Voici vingt-six ans, il en offrait la première gravure mondiale, assemblant autour de l’Almira grand teint d’Ann Monoyios une distribution choisie où brillaient l’Edilia de Patricia Rozario, le Consalvo de David Thomas, le Ferrando de Jamie MacDougall.

Depuis et malgré la noria d’opéras de Haendel que le disque ne cesse de découvrir ou de revisiter, personne ne s’était penché sur les amours contrariées de la Reine de Castille. Injustice !, que répare aujourd’hui la captation en concert d’une distribution qui aura rodé l’œuvre à la scène dans la jolie production du Boston Early Music Festival, et ce dès 2013 : cette fois, contrairement au premier enregistrement, l’œuvre est bien complète, prenant quatre disques en place de trois auparavant.

Enregistré patiemment dans la belle acoustique de la Sendesaal de Brème du 21 janvier au 1er février 2018, la jolie troupe assemblée autour de l’Almira sensible d’Emőke Baráth dévoile toute la lyrique d’une œuvre subtile, jusque dans ses hésitations.

Mentions spéciales au terrible Osman de Zachary Wilder, et à l’Edilia d’Amanda Forsythe, au Fernando de Colin Blazer, tous sont portés par l’orchestre versicolore, pleins de cordes pincées et de chalumeaux que viennent piquer quelques castagnettes, mené de son luth par Paul O’Dette sous le regard bienveillant de Stephen Stubbs.

Plus d’une fois, la musique si inventive du jeune Haendel se pare d’une touche mélancolique qu’Andrew Lawrence-King ne sollicitait pas à ce point dans la précédente version : le ton élégiaque de la nouvelle contre-balance l’éclairage plus dramatique de la première.

LE DISQUE DU JOUR


Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Almira, Königin von Castillien, HWV 1

Emőke Baráth, soprano (Almira)
Amanda Forsythe, soprano (Edilia)
Colin Blazer, ténor (Fernando)
Christian Immler, baryton (Consalvo)
Zachary Wilder, ténor (Osman)
Jesse Blumberg, baryton (Raymond)
Teresa Wakim, soprano (Bellante)
Jan Kobow, ténor (Tabarco)
Nina Böhlke, mezzo-soprano
Kerstin Stöcker, contralto

Boston Early Music Festival Orchestra
Paul O’Dette & Stephen Stubbs, direction musicale

Un coffret de 4 CD du label CPO 555205-2
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Photo à la une : © DR