Les Budapest avaient signé une toute première version du 3e Quatuor de Brahms, effervescente, dansée, d’une joie irrépressible ; j’avais espéré que les Hagen, si solaires, en reprendraient les élans, mais non, au contraire, ils distendent les épisodes, faisant plonger les plages dolce dans les soieries de leurs cordes, mesurant le thème de fantaisie qui ouvre le Vivace.
C’est d’une beauté rare, plus automne qu’été, avec une science du contrepoint, un art des contrastes, une sorte de sévérité dans l’abandon même qui ouvre dans cette pastorale à quatre cordes des paysages profonds, quasi orchestraux par la variété des couleurs, le creusement des plans. Et quelle nostalgie vient plier le ressac délicat de l’Agitato, monde entre chiens et loups avant que ne chante l’alto. Le Finale, tranquille, se pare de teintes schubertiennes, ses variations se déployant comme un éventail harmonique.
Kirill Gerstein les rejoint dans l’automne profus du grand Quintette en fa mineur, lecture orchestrale où le jeu à plein archets emporte avec lyrisme plutôt qu’avec véhémence cette grande ballade en quatre volets. Les tempos sont modérés et rendent les chants d’une beauté contagieuse, Kirill Gerstein retenant le temps dans son piano monde, fluide, élégant et dangereux à la fois. Tout cela s’écoute fasciné, d’abord par la fusion de l’ensemble, l’ampleur symphonique, la clarté tendre des échanges évitant les effets de masse et les appuis expressifs qui sont les écueils de tant de versions.
Et soudain, je me prends à rêver, si les cinq amis se tournaient vers les Quintettes de Fauré ?
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
Quatuor à cordes No. 3 en si bémol majeur, Op. 67
Quintette pour piano et cordes en fa mineur, Op. 34
Hagen Quartett
Kirill Gerstein, piano
Un album du label Myrios Classics MYR021
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Photo à la une : les membres du Quatuor Hagen – Photo : © DR