Voilà, il faudra ajouter à l’histoire du quatuor viennois cinq nouveaux opus laissés de côté par une certaine lecture historicisante qui n’aura voulu considérer personne dans ce pré-carré entre Brahms et Schoenberg. Mais, impertinemment iconoclaste comme il le fut toujours, Emil Nikolaus von Řezníček dans ses vingt ans des années 1880 file une gifle à Beethoven dès son Premier Quatuor, alternant furiosos drastiques qui singent le Quartetto « Serioso » et pure charme fripon, tout cela dans le même tempo, sinon ce ne serait pas drôle.
Je me suis toujours demandé comment un talent aussi éclatant que celui de Řezníček aura pu demeurer si méconnu, au point que seul le strepitoso de l’Ouverture de Donna Diana en fut longtemps au disque le seul écho. D’ailleurs, si CPO n’avait pas entrepris l’exhumation sonore de son catalogue, celui-ci serait toujours lettre morte.
Mais la perfection de l’écriture, l’invention poétique, l’omniprésence d’une certaine distanciation ironique, et puis à compter du dytique du 5e Quatuor cette angoisse qui déclenche des lacis aux harmonies troubles où semble se mirer Janáček sans que jamais pourtant les écueils, les vertiges du langage beethovénien ne soient oubliés, témoignent de l’essence même d’un art parfait dans son inaltérable singularité.
Cinq opus majeurs révélés par des instrumentistes inspirés, le Grand Livre du Quatuor s’augmente.
LE DISQUE DU JOUR
Emil Nikolaus von Řezníček (1860-1945)
Quatuor à cordes No. 1 en ut mineur
Quatuor à cordes No. 5 en mi mineur
Quatuor à cordes en si bémol majeur
Quatuor à cordes en ut dièse mineur
Quatuor à cordes en ré mineur
Minguet Quartett
Un album du label CPO 555002-2
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