La Frau selon Thielemann aura connu une première apparition à Salzbourg, spectacle filmé avec art qui aura produit un beau DVD malgré les limites de la mise en scène de Christoph Loy. Dominique Meyer ne voulait pas laisser passer le centenaire de la création de l’œuvre : en 2019, il confia la nouvelle production du Wiener Staatsoper qui avait vu naître l’ouvrage le 10 octobre 1919 à Vincent Huguet pour un spectacle magnifique incluant la parabole et le drame dans les lacis du conte. Les quelques photographies qui ornent le recto et le livret du coffret, sans qu’Orfeo prenne la peine d’en créditer le metteur en scène et son équipe, font espérer que la soirée aura été filmée et qu’elle trouvera les chemins d’une édition.
Moins qu’à Salzbourg, Thielemann raffine son orchestre, le merveilleux ne semble plus vraiment l’intéresser, dès la plainte du faucon c’est le conte noir qui habite son orchestre, l’ombre de la Grande Guerre plane sur cette lecture très sombre qui refuse les charges expressionnistes de la fratrie Barak pour y faire entendre plutôt une humanité meurtrie.
Depuis Salzbourg, Evelyn Herlitzius a abandonné sa Teinturière pour la laisser à Nina Stemme, on s’en doute … absolument pas mégère, brûlée plutôt, exemple de style et de chant qui sait être beau même dans la vindicte, un modèle. Herlitzius aura emporté son chant de prophétesse chez une Nourrice simplement anthologique où passe le souvenir d’Höngen : ces mots sont des imprécations.
Indifférent, comme perdu dans ses chasses éternelles, Stephen Gould reste cet Empereur égoïste dont le timbre durci rend la psyché plus exacte encore. Wolfgang Koch, Barak si humain de timbre mais sans la ligne qu’y mettait Walter Berry, et côté immortels L’Impératrice sans vraie magie de Camilla Nylund, si bien chantante pourtant mais qui doit succéder au timbre d’amende et aux aigus flottés d’une Anne Schwanewilms inapprochable à Salzbourg, sont des bémols mineurs que rembourse une compagnie de chant finement distribuée.
Et le troisième acte, d’une tension étreignante, touche au sublime. Mais il me faut le spectacle !
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss
(1864-1949)
Die Frau ohne Schatten,
Op. 65, TrV 234
Stephen Gould, ténor
(Der Kaiser)
Camilla Nylund, soprano
(Die Kaiserin)
Evelyn Herlitzius, soprano (Die Amme)
Sebastian Holecek, baryton (Geisterbote)
Maria Nazarova, soprano (Hüter der Schwelle des Tempels, Stimme des Falken)
Benjamin Bruns, ténor (Stimme eines Jünglings)
Monika Bohinec, mezzo-soprano (Stimme von oben)
Wolfgang Koch, baryton (Barak, der Färber)
Nina Stemme, soprano (Die Färberin)
Samuel Hasselhorn, baryton (Der Heinäugige)
Ryan Speedo Green, baryton-basse (Der Einarmige)
Thomas Ebenstein, ténor (Der Bucklige)
Orchester der Wiener Staatsoper
Chor der Wiener Staatsoper
Bühnenorchester der Wiener Staatsoper
Opernschule der Wiener Staatsoper
Christian Thielemann, direction
Un album de 3 CD du label Orfeo C991203
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Photo à la une : © DR