Trio vespéral

Clarinette ou alto pour l’Opus 114 ? J’ai toujours penché vers l’alliage plus tendre des cordes frottées et frappées, un crépuscule s’installe dans cet opus tardif où Brahms endort son univers chambriste que la clarinette transforme trop en concerto. La fusion des timbres accroît encore les mystères des sombres polyphonies, l’entre chien et loup des échanges entre l’alto et le violoncelle, fluides, vont au plus profond de la poésie de ce dialogue en trio où le piano agrandit la focale. Il faut entendre comment François-Frédéric Guy éclaire ou assombrit les échanges de ses deux amis, et comment la couleur de voix humaine de l’alto de Miguel da Silva rappelle à quel point la partition est conçue telle une guirlande de lieder sans paroles.

Et les deux Sonates ? Vrais lieder aussi, qui étendent leurs mélodies jusqu’à une sorte de musique infinie où roulent des tempêtes et éclatent des crépuscules. Il faut que l’alto y chante et y parle tour à tour, le piano le porte dans une nuance amoroso que François-Frédéric Guy incarne avec abandon ou fougue, les registres de son grand piano qui peut oser être un orchestre se mariant à ceux de Miguel da Silva, si amples, aux couleurs profondes, au chant éloquent.

Magnifique témoignage d’un des tous grands altistes de l’histoire de l’instrument, dont la sonorité emplie d’harmoniques n’aura jamais cessé de m’évoquer celle de William Primrose. Je range leur disque émouvant aux côtés de l’album de ce dernier avec Rudolf Firkušný.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms
(1833-1897)
Trio en la mineur, Op. 114
(version pour alto, violoncelle et piano)

Sonate en mi bémol majeur, Op. 120 No. 2
Sonate en fa mineur,
Op. 120 No. 1
(versions pour alto et piano)

Miguel da Silva, alto
François-Frédéric Guy, piano
Xavier Phillips, violoncelle

Un album du label Alpha Classics 648
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Photo à la une : l’altiste Miguel da Silva – Photo : © Nikolaj Lund