Un labyrinthe, avec en plus des miroirs pour mieux vous perdre, voilà comment Filippo Gorini entend son Art de la Fugue. Le son d’un piano ici, depuis Glenn Gould et en partie à cause de lui, est étrange ; ce resserrement, que l’orgue ou les cordes ne connaissent pas, extrait de ce cosmos abstrait une intimité voire un recueillement, qui, paradoxalement, en augmente la spiritualité.
Dans L’Art de la Fugue, le piano est plus nu qu’aucun autre instrument, et le jeu factuel de Bach plus mystérieux dans cette raréfaction. Le jeune homme évite la sécheresse comme la rhétorique, il joue pour ainsi dire « au ras du texte », les contrapunctus formant peu à peu un vitrail qui modifie les lumières tonales et éclaire les polyphonies. Le quasi silence qui ouvre le Contrapunctis inversus XII a 4 (Forma inversa), qui l’aura fait ainsi depuis Tatiana Nikolayeva ?
La pudeur du geste cherche les timbres les plus étouffés, une poésie abstraite unifie tout ce long voyage vers la fugue (ultime) à 3 sujets dont le son modelé ouvre sur des ailleurs. À mesure, le clavier s’élève, l’arche se dessine. Admirable lecture, fidèle, modeste, à la tranquille fulgurance.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Die Kunst der Fugue, BWV 1080
Filippo Gorini, piano
Un album du label Alpha Classics 755
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Photo à la une : le pianiste Filippo Gorini, à Paris, en 2017 – Photo : © Keynote Artist Management