Certains jouent les Davidsbündlertänze comme un autre Carnaval, piano à la parade, geste vif, rythmes marqués. Pas Ali Hirèche, dont la ballade nocturne voit l’envers du cycle, bien plus ténébreux. Il m’aura déconcerté, plaçant entre chaque pièce une respiration de silence, c’est vouloir éviter justement de faire Carnaval ! Quelques écoutes répétées auront eu vite raison de mon petit malaise, me forçant à entendre chaque vignette pour le poème qu’elle est, et parfois même le lied !
Pour aller au cœur de la poésie schumanienne, il faut jouer non pas à deux mains mais à dix doigts, faire entendre la polyphonie en l’éclairant, ce qui suppose une balance parfaite des dynamiques, une fluidité des lignes mélodiques, l’infini des trilles : soudain les voix intérieures chantent, secret de tout ce que le compositeur aura écrit pour son instrument.
La beauté des phrasés (Zart und singend !), le clavier versicolore, l’imagination domptée mais contagieuse qui emplit toutes ces Davidbündlertänze se retrouve au long de Kreisleriana exemplaires par la tenue, le sens du récit, l’absence d’excentricité, et jusqu’à un classicisme dans le jeu qui en dévoile l’écriture savante, les arrière-plans psychologiques complexes. Oui, Ali Hirèche a trouvé son compositeur, puisse-t-il persévérer au disque chez Schumann !
LE DISQUE DU JOUR
Robert Schumann
(1810-1856)
Davidsbünldertänze, Op. 6
Kreisleriana, Op. 16
Ali Hirèche, piano
Un album du label Bion Records BR291208
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Photo à la une : le pianiste Ali Hirèche – Photo : © DR