La clarinette de Jack Brymer déploie sa lamentation empoisonnée sur la timbale qui roule son tonnerre, les violons, rai de lumière dans l’orage qui vient, vont élancer cette tempête de sons qui aura produit d’emblée le saisissement que fut pour l’auditeur la Première Symphonie de Jean Sibelius : un nouveau monde sonore, et bien plus suggestif, bien plus envahissant que ceux des Modernistes d’alors.
Cette sauvagerie – au sens premier du terme – Thomas Beecham s’en délecte. La même année, il gravera l’œuvre au studio, un de ses disques les plus rares, partagé entre les marchés nord-américain et européen et chichement distribué sous des étiquettes différentes. Pas son plus grand Sibelius. Mais une exécution en concert avait été captée lors d’un déplacement de son Royal Philharmonic au Festival d’Edimbourg le 17 avril 1952, la voilà enfin éditée.
Quel concert ! Si le ciel d’Ecosse fut toujours propice aux interprètes de Sibelius (je pense en particulier à Sir Alexander Gibson), il le fut aussi pour Beecham, qui lance son orchestre dans une folie pure tout au long du premier mouvement. Allegro energico, il faut entendre comment cela attaque ! Et après un Andante chanté dans des nuances piano où l’on sent le regard de Beecham posé sur chaque pupitre – la manière dont il entraîne le crescendo central à partir des bois –, le Scherzo fusant, roide, est un précis de comment attaquer justement. Finale insensé, vous vous en doutez.
L’éditeur ajoute deux extraits plus anciens et mieux connus des Scènes historiques, et une demi-heure de témoignages de musiciens ayant joué sous la direction de Beecham, l’indispensable Jon Tolansky leur tendant le micro.
LE DISQUE DU JOUR
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphony No. 1 en mi mineur, Op. 39
Scènes historiques II, Op. 66 (2 extraits : II. Chant d’amour, III. Près du pont-levis)
Royal Philharmonic Orchestra
Sir Thomas Beecham, direction
Un album du label SOMM Recordings Ariadne 50113
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Photo à la une : le chef d’orchestre Sir Thomas Beecham, avec le compositeur Jean Sibelius – Photo : © DR