La Covid n’a pas épargné Anna Netrebko, sa voix en a été changée, plus assombrie, au vibrato plus ample. Pour le Lamento d’Ariadne, malgré quelques fatigues ça et là, c’est merveille, question de timbre et simplement d’élan. Elle y sera plus proche de Reining, jusque dans les débordements de l’exultation finale, assumée, que de Janowitz. La grande scène la laisse audiblement épuisée, mais elle y aura reconquis son instrument, porté par l’orchestre voluptueux de Chailly.
Le récital ratisse large sous un axe du sombre, du damné, où l’on peut faire entrer un peu ce que l’on veut. Les Verdi sont soufflants naturellement, cette Aïda torche, et cette Elisabetta non moins torche vous prennent le cœur, vous coupent le souffle, ce chant qui se déborde sans crainte, quelle leçon, et jusque dans l’Adriana empoisonnée de Cilèa, dans la mort de Manon aux Amériques le sens du sfumato morbide, du cri tenu dans la plainte, ne sont pas moins admirables chez une chanteuse qui ne craint pas de faire passer son art avant sa voix.
Les Wagner sont pourtant exotiques, Isolde impossible évidemment, mais elle voulait tenter sa mort alors que son soprano trouverait plus naturellement la sorcière de l’Acte I, les blondes Elisabeth et Elsa manquent de lumière dans le timbre, sinon d’élan ou de suspension.
Anthologique, sa Lisa au bord du suicide, vertigineuse, hallucinée, il faut l’entendre, et la réentendre pour mieux oublier le naufrage de ce disque, car il y en a un, et qui n’aurait pas dû paraître : zappez la mort de Didon.
LE DISQUE DU JOUR
Amata dalle tenebre
Airs de Francesco Cilèa (Adriana Lecouvreur), Henry Purcell (Dido and Aeneas), Piotr Ilitch Tchaikovski (La Dame de Pique), Richard Strauss (Ariadne auf Naxos), Giuseppe Verdi (Aïda, Don Carlo), Richard Wagner (Tannhäuser, Lohengrin, Tristan und Isolde) et Giacomo Puccini (Madama Butterfly, Manon Lescaut)
Anna Netrebko, soprano
Orchestra del Teatro alla Scala
Riccardo Chailly, direction
Un album du label Deutsche Grammophon 0028948605316
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Photo à la une : la soprano Anna Netrebko – Photo : © Deutsche Grammophon