Deux visages. Commençant par celui à la Francis Bacon : Hans von Bülow s’évertua à regrouper dix-huit Sonates de Scarlatti qu’il aimait jouer – on oublie qu’il fut également un pianiste de première force -, les « modernisant ». Cela s’écoute même si on perçoit bien dans ce sens du vertical une volonté de faire entrer Bach aux forceps dans la grammaire scarlatienne, mais s’écoute d’abord plutôt pour les qualités pianistiques, jeu ample, timbres vifs, main gauche affirmée, de Giulio Biddau que pour l’habillage de Bülow, une curiosité en somme, qui invite à se ruer sur le premier disque.
Seize Sonates, alternant des plus et des moins connues, dans une édition critique qui me semble d’oreille magnifique, due à Emilia Fadini. La translation du clavecin au piano est une gageure, on n’y songe pas assez, tous les pianistes ont du se débrouiller avec l’édition de Kirkpatrick (et pire pour des générations de clavecinistes avec celle de Longo, dont Gerlin me disait qu’il se « l’aménageait »), chacun faisant plus ou moins sa sauce, Horowitz y convoquant son univers avec plus de rigueur qu’on ne le croit.
Le travail de Fadini est passionnant, ses translations plus que probantes, éclairantes. Elle invente dans les moyens décuplés du piano moderne des équivalences de toucher, de timbres, de phrasés, entre l’original du clavecin et les feutres du piano.
Un univers reparaît, comme si on avait rénové ce Scarlatti peint du piano, les rythmes sont vifs, cela danse, vole, et l’on peut compter sur ce maître des timbres qu’est le pianiste italien – ses admirables Barcarolles de Fauré m’en avaient averti – pour rendre justice à ce visage soudain véridique d’un Scarlatti s’asseyant au clavier d’un Steinway. Qu’Aparté lui permette de poursuivre l’exploration des opus qu’Emilia Fadini aura eu le temps de « réinventer » avec un tel souci de ne pas trahir l’original.
LE DISQUE DU JOUR
Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonate en sol majeur, K. 13
Sonate en sol majeur, K. 523
Sonate en sol mineur, K. 8
Sonate en sol mineur, K. 450
Sonate en sol majeur, K. 259
Sonate en ré majeur, K. 29
Sonate en ré majeur, K.96
Sonate en si mineur, K. 173
Sonate en si mineur, K. 377
Sonate en fa mineur, K. 69
Sonate en fa mineur, K. 387
Sonate en sol mineur, K. 31
Sonate en ré mineur, K. 434
Sonate en ré mineur, K. 444
Sonate en fa majeur, K. 446
Sonate en fa majeur, K. 525
Versions jouées dans l’édition critique d’Emilia Fadini, puis dans l’édition d’Hans von Bülow (sous la forme de suites)
Giulio Biddau, piano
Un album de 2 CD du label Aparté AP283
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Photo à la une : le pianiste Giulio Biddau – Photo : © DR