Le jeune Bach, prodige virtuose de tous les claviers, inventa dans les Toccatas une nouvelle musique ; peindre avec l’art savant hérité de Frescobaldi de nouveaux paysages d’où émergerait, en passant par le tamis des formes les plus complexes, une liberté agogique osant un caractère improvisé.
Moderne absolument, et toujours aussi surprenant, d’autant qu’Hortense Cartier-Bresson ne leur ôte jamais la poésie. L’idée d’en alterner trois avec autant d’opus fondateurs de la Seconde Ecole de Vienne éclaire un continuum entre ces aventuriers par-delà les siècles qui les séparent.
Symphonies de timbres sombres, les Drei Klavierstücke de Schönberg trouvent dans les abysses du Bösendorfer ce goût de cendre qui inspirait Claudio Arrau : faustien, et quasi busonien par le mystère, la profondeur, la poésie philosophique que la pianiste met à ses mystérieux chromatismes.
Elle magnifiera avec autant d’intensité les redoutables Variations de Webern (composées pour Steuermann, qui ne les joua jamais).
Sommet de cet album étreignant, la Sonate de Berg, énigme lyrique que la pianiste anime comme un opéra, saisissant les chromatismes scriabiniens avec fièvre. Je ne l’avais plus entendue ainsi, immédiate, brûlante, depuis l’enregistrement radical de Maria Judina, c’est dire !
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Toccata en mi mineur,
BWV 914
Toccata en fa dièse mineur, BWV 910
Toccata en ré mineur,
BWV 913
Arnold Schönberg
(1874-1951)
3 Klavierstücke, Op. 11
Alban Berg (1885-1935)
Sonate, Op. 1
Anton Webern (1883-1945)
Variations, Op. 27
Hortense Cartier-Bresson, piano
Un album du label Aparté AP272
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Photo à la une : la pianiste Hortense Cartier-Bresson – Photo : © DR