En 1914, alors que la Grande Guerre s’apprête à dévaster l’Europe, Ralph Vaughan Williams met en musique trois poèmes d’aèdes du XVIIe siècle anglais, puis leur adjoint le prégnant Evening Hymn déduit par Robert Bridge d’un antique poème grec, cycle aussi bref que majeur dans le catalogue des mélodies du compositeur de Job.
Nicky Spence, dont le ténor plein de caractère nous offre disque après disque des albums inspirés, le choisit pour amorce de son voyage, et en grave la version originale où l’alto s’ajoute au piano. Merveille qui demande une éloquence, une intensité, que le ténor saura transformer en miel tout au long du prodigieux précis de poésie qu’est The House of Life. Il faut entendre sur quel partenaire subtil il appuie son chant diseur : le piano de Julius Drake est lui aussi un acteur du cycle. Silent Noon, la plus courue des mélodies de Vaughan Williams, est simplement miraculeuse ici, seul Philip Langridge a pu en approcher au même degré la sombre poésie.
La couleur assez française, et même quasi ravélienne – Vaughan Williams fut l’un des rares compositeurs à recevoir les conseils de l’auteur du Boléro – d’On Wenlock Edge est magnifiée par le jeu évocateur du Piatti Quartet, Julius Drake faisant de son piano l’autre acteur de ce cycle troublant où le chant sensible de Nicky Spence évoque encore une fois, par la voix longue, la plénitude harmonique, l’ardeur de la diction, celui de Philip Langridge. Trois Folksongs, placés au centre de l’album, font, dans tant de densité, une parenthèse solaire.
Magnifique album, indispensable à qui s’intéresse à la terra incognita (de ce côté-ci de la Manche) que demeure la mélodie anglaise.
LE DISQUE DU JOUR
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Four Hymns*
The House of Life
Folk-Songs from the Eastern Counties (2 extraits : The saucy bold robber, Harry the tailor)
6 English Folksongs
(extrait : No. 4. The Brewer)
On Wenlock Edge**
Nicky Spence, ténor
Julius Drake, mezzo-soprano
*Timothy Ridout, alto
**Piatti Quartet, direction
Un album du label Hypérion CDA68378
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Photo à la une : le ténor Nicky Spence – Photo : © Bertie Watson