La lenteur est une vertu : impossible de rien y dissimuler. Ivo Pogorelich la savoure, et se garde bien de s’écouter, le temps infini qu’il ouvre dans l’Allegro maestoso de la Sonate en si mineur porte loin la lyrique de Chopin. Ceux qui craindraient une élongation des rythmes auront tort : la logique du discours est telle que rien ne paraît déformé, simplement le temps est immense, les phrases infinies, mais rien jamais ne cède ou n’est exagéré, et l’arche globale de la Sonate tient admirablement.
C’est dans la Sonate que l’on pourrait infirmer une telle radicalité, elle y survit au contraire. Même dans les deux Nocturnes, Pogorelich invite la grande forme, sachant quel maître est Chopin dans ce domaine, qui a su enclore l’immense dans l’intime, et tout cela est d’une beauté troublante à force d’évidence.
Sommet du disque, la Fantaisie, dont les premières mesures mystérieuses sont jouées en point d’interrogation, et dont le rythme de marche ne disparait jamais, gageure !
Son album Rachmaninov m’avait laissé interdit, mais Chopin, dont il saisit avec un génie singulier l’épure, est vraiment son monde.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Nocturne en ut mineur,
Op. 48 No. 1
Nocturne en mi majeur,
Op. 62 No. 2
Fantaisie en fa mineur, Op. 49
Sonate pour piano No. 3 en si mineur, Op. 58
Ivo Pogorelich, piano
Un album du label Sony 194399120521
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Photo à la une : le pianiste Ivo Pogorelich – Photo : © Bernard Martinez/Sony Classical