Tom Jobim adorait l’homme et l’artiste, Heitor Villa-Lobos le jalousait d’avoir si bien réuni le populaire et le savant, comment expliquer qu’hors de son Brésil (et encore !) Radamés Gnattali demeure si oublié ?

Ce disque aussi brillant qu’émouvant vient rappeler que ce compositeur au prénom d’opéra fut un éminent virtuose. Luis Rabello, dont la famille était dans le cercle intime de celle de ce musicien aux facettes multiples, pianiste et chef d’orchestre, n’a pas froid aux yeux : il ne fait qu’une bouchée de la virtuosité piégeuse de bien des pièces, sait naviguer d’un gouvernail souple entre les styles, Gnattali flirtant plus d’une fois avec les musiques populaires de Jobim et de Gilberto, fait exploser les rythmes, encorbelle les délicieuses fantaisies de ces vignettes multicolores, et savoure le génie elliptique qui atteint son acmé dans le stupéfiant Preludio Cigarra, vrai volute d’épices un rien toxique.

Ce disque est un havre, je l’attendais depuis longtemps, depuis qu’Arthur Moreira Lima m’avait joué un soir chez les Crommelynck à Bruxelles quelques pièces de cet auteur que je ne connaissais pas même de nom. Bien d’autres opus pour le piano restent à enregistrer, je ne doute pas que Luis Rabello poursuivra ici par d’autres volumes, mais qui gravera les symphonies, les concertos, rendant à ce compositeur majeur la place qui lui revient aux côtés d’Heitor Villa-Lobos et Camargo Guarnieri ?

LE DISQUE DU JOUR

Radamés Gnattali (1906-1988)
Moto contínuo
Uma rosa para o Pixinguinha
Rapsódia brasileira
Poema fim de tarde
Vaidosas
Préludes
Sonate pour piano No. 2
Choro Etude
Exercices sur des rythmes brésiliens
Guriatan de coqueiro (Toada)

Luís Rabello, piano

Un album du label Challenge Records CC72870
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Photo à la une : le compositeur Radamés Gnattali, avec Pixinguinha – Photo : © DR