L’adage éculé veut que la valeur n’attend pas le nombre des années, mais l’art ? Kim Bernard, tout jeune homme qu’il est, signe un prodigieux premier album, en rien la carte de visite habituelle de l’apprenti virtuose, mais à travers trois compositeurs qui se rapprochent d’évidence, l’aveu même d’un poète.
Qu’on ne croit pas un instant que les doigts n’y sont pas. La Toccata du Tombeau, les (rares) pages les plus extraverties de la 4e Ballade, son Isle joyeuse pleine d’écume jouant dans le soleil montrent mieux qu’une technique impeccable, un jeu de bout en bout inspiré, sensible sans mièvrerie, des couleurs à foison, un art de respirer qui surprend dans le dolce (l’Hommage à Rameau) comme dans l’électricité (Mouvement), des phrasés subtils (merveilleuse Forlane jusque dans son envoi final), et une tête décidément bien faite.*
La simplicité de sa Quatrième Ballade, dès son énoncé qui en a piégé plus d’un, le dit assez, cette évidence de la conduite, la clarté de la conception, l’élégance surtout, toutes qualités que l’on retrouvera dans la Berceuse, fluide, dorée, et dans une Barcarolle admirable, un rien crépusculaire.
Sommet du disque, Le Tombeau de Couperin, si parfaitement chanté et dansé, avec une qualité de toucher, une pudeur, des élégances sans afféterie qui désignent un vrai ravélien. Je guette déjà son prochain disque.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballade No. 4 en fa mineur,
Op. 52
Berceuse en ré bémol majeur, Op. 57
Barcarolle en fa dièse mineur, Op. 60
Claude Debussy (1862-1918)
L’Isle joyeuse, L. 106
Images, Série 1, L. 110
Maurice Ravel (1875-1937)
Le Tombeau de Couperin, M. 68
Kim Bernard, piano
Un album du label Erato « Fondation Gautier Capuçon » 0190296201141
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Photo à la une : le pianiste Kim Bernard – Photo : © DR