Deux Sonates de violoncelle coulées de la plume de deux pianistes ? Deux mondes surtout que rien d’autre ne peut réunir sinon les volontés de Jean-Guihen Queyras et d’Alexander Melnikov, qui s’en expliquent dans leur note d’intention. D’ailleurs le couplage des deux œuvres au disque n’est pas si courant, et plutôt de mœurs récentes, soulignant justement un rapprochement un rien arbitraire. Peu importe.
La Sonate en forme de cahier de mélodies que Chopin composa pour Auguste Franchomme peut facilement tomber dans le fade. Le si poétique Erard que touche avec élégance Alexander Melnikov l’en empêche, conduisant le chant souvent ténébreux de Jean-Guihen Queyras qui se délecte avec un brin de mélancolie de ce chant continu. Ce chant qui ne veut cesser pourrait bien être le point de passage entre le monde de Chopin et celui de Rachmaninov. Mais la Sonate de l’auteur des Cloches n’est au fond pas du tout une sonate, mais une symphonie, dont l’ampleur, la nature réflexive, me semblent le miroir des espaces de la Deuxième Symphonie.
Tant l’auront brusquée, voulant faire plus russe que russe, Jean-Guihen Queyras préfère chanter, soignant chaque détail du discours sans perdre la fluidité de la ligne, dans le flot du Steinway admirablement harmonisé choisi ici pour succéder à l’Erard.
Admirable version, lyrique à se damner, qui revisite l’œuvre et découvre en plus les affinités électives d’Alexander Melnikov avec l’univers de Rachmaninov, cette ampleur du son jusque dans le plus grand raffinement serait pour les Préludes une bénédiction.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour violoncelle et
piano en sol mineur, Op. 65
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Sonate pour violoncelle et
piano en sol mineur, Op. 19
Jean-Guihen Queyras,
violoncelle
Alexander Melnikov, piano
Un album du label harmonia mundi HMM 902643
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Photo à la une : le violoncelliste Jean-Guihen Queyras et le pianiste Alexander Melnikov – photo : © DR