Ce n’est plus un secret depuis longtemps, discrètement, Muriel Chemin aura consacré sa vie de musicienne à Beethoven. En prémices à cette intégrale qu’elle bâtissait tranquillement, de splendides Variations Diabelli, chroniquées ici, l’avaient en quelque sorte annoncée, la voici.
Enregistrée de décembre 2017 à mars 2021, la somme révèle une musicienne avertie, qui prend l’auditeur par la main pour lui faire parcourir l’évolution de l’univers beethovénien. Les structures sont toujours évidentes, le tactus, cette âme du tempo, animant avec un naturel confondant aussi bien les sonates impertinentes du début (la « symphonique » 4e Sonate est incroyable d’élan) que les laboratoires ouverts des sonates médianes, de la Quasi una fantasia (13e) à la Waldstein, qui irradient d’une nouvelle liberté, le clavier s’élargissant progressivement à une dimension orchestrale. Pas à pas, Yves Nat ne faisait pas autrement, et Muriel Chemin ne le fait pas avec moins de ferveur.
La bascule dans l’autre monde, après de surprenantes petites Sonates de fantaisie (No. 24 à No. 27) où son jeu disert invite une narration éclairante (magnifique Adieux), est irréversible comme le proclame une 28e tonnante, dite avec ferveur. Une dimension supplémentaire s’ajoute, ce quasi improvisé qui rendra sa Hammerklavier volcanique, avant qu’elle poétise l’immense Adagio.
L’ultime trio surprend par sa concentration teintée de nostalgie, sa pudeur derrière les éclats. Tant de spiritualité désigne l’alliance évidente de Muriel Chemin avec la quête musicale de son existence, l’aboutissement de son art.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les 32 Sonates pour piano (Intégrale)
Muriel Chemin, piano
Un coffret de 10 CD du label Odradek ODRCD361
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Photo à la une : la pianiste Muriel Chemin – Photo : © Odradek Records