Dès le thème, tout est dit : doigts légers, ornements subtils et avec un rien de détaché, polyphonies claires, les Goldberg de Fazil Say seront aussi évidentes qu’univoques, le pianiste mettant sur tout cela un faux vernis d’improvisation.
L’aisance digitale est évidemment stupéfiante, la musicalité paradoxalement assourdissante, rien ici n’ose transcender, on joue pour le plaisir, fuyant les ombres, on cherche la lumière, même la plus douce, les polyphonies fusent, avec toujours ce détachement de l’expression, qui se réfugie dans la limpidité de la partition, et prend soin de se cantonner au bref ; une infime césure entre chaque variation gardant le pianiste de tirer jusqu’au bout l’hédonisme heureux de sa lecture.
Car Fazil Say, contrairement à André Tchaikowsky ou Glenn Gould (pour s’en tenir à eux deux), n’interprète pas, il joue, j’aurais même par instants la sensation qu’il lit ; même pour la grande Variation à deux claviers où semblent le surprendre les modulations expressives qui le font quitter le murmure dans lequel il l’avait commencée.
La boucle se boucle, je retourne à la plage 1, je recommence, décidément ce trublion a le don d’interroger, même en faisant croire que cette fois il aurait abandonné tout propos.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Variations Goldberg,
BWV 988
Fazil Say, piano
Un album du label Warner Classics 50545197233968
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Photo à la une : le pianiste Fazil Say – Photo : © Fethi Karaduman