Expérimentation

Fascinant : Eric Lu joue le Finale de la grande Sonate en la majeur dolce, la parant d’une nostalgie douloureuse, sans pourtant tirer vers le pathos. Le second thème consolateur est si subtilement conduit, jusque dans l’orage qui le prend ensuite, tout cela est certes d’un poète – il l’a déjà prouvé avec ses albums Chopin – mais d’abord d’un vrai schubertien qui en agacera bien d’autres.

Car Eric Lu a ses partis-pris, quitte à prendre à revers les indications de la partition mais jamais le sens de la musique. La variété du toucher, des cuivres qui lancent la Sonate en la majeur aux estompes de l’Allegretto, merveille dont il est si difficile de rendre à la fois la simplicité de l’énoncé et la profondeur nostalgique de l’espressivo, le jeune homme y parvient comme rarement, l’élégance jusque dans le doloroso, tout cela fait un premier opus Schubert saisissant qui culmine dans la trop rarement enregistrée Sonate en la mineur.

La marche du début est enfin prise au bon tempo, laissant sourdre cette inquiétude diffuse, qui colorera toute l’œuvre, même les tendres pensées de l’Andante. Eric Lu y voit, dans sa remarquable note d’intention, le point de bascule du piano de Schubert, il lui donne une ampleur, une intensité jusque dans le moindre pianissimo, une éloquence sans grandiloquence commandant de le voir poursuivre chez ce compositeur qu’il confesse aimer plus que tout autre.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1848)
Sonate No. 20 en la majeur,
D. 959

Allegretto en ut mineur, D. 915
Sonate No. 14 en la mineur,
D. 784

Eric Lu, piano

Un album du label Warner Classics 5054197298127
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Photo à la une : la pianiste Eric Lu – Photo : © DR