L’Andantino de la grande Sonate en la mineur alterne une marche esseulée et une vision. Garrick Ohlsson modère l’hallucination, la retient pour mieux la faire imploser dans un crescendo orchestral. Quel art !, celui d’un pianiste qui revient à Schubert (j’ai encore en mémoire sa Gasteiner pour EMI, sa Wanderer-Fantasie pour DUX), voyageur dessillé, qui regarde la mort en face.
Pour la proclamation qui ouvre l’Allegro, plus de mystère que d’éclat, le discours se modèle à mesure, portant dans la tension une fantaisie, des couleurs, des foucades qui pourront surprendre. Pourtant la ligne ne se perd jamais, Garrick Ohlsson pense en architecte tout ce qu’il joue, la forme rayonne, rendant justice au génie d’un Schubert qu’on juge trop vite rhapsode.
Ce que le compositeur du Pâtre sur le rocher aura construit de nouveau, structures, harmonies, textures orchestrales du discours, Garrick Ohlsson s’en empare, donnant à ce chef-d’œuvre son ampleur, ardant son éloquence. Le ton altier de son interprétation aura saisi dès le début de l’album par l’animation capricieuse qu’il met au bal fantasque ouvrant la Sonate, D. 537, si rarement enregistrée, œuvre de haute fantaisie dont il peint le brillant comme les ombres.
Est-ce le début d’un cycle Schubert pour Hypérion ? Espérons-le.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en la mineur, D. 537
Sonate pour piano (No. 20)
en la majeur, D. 959
Garrick Ohlsson, piano
Un album du label Hypérion CDA68398
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Photo à la une : le pianiste Garrick Ohlsson – Photo : © Dario Acosta