Irréel

Londres, Royal Festival Hall, le 8 avril 1982, Arturo Benedetti Michelangeli et Sergiu Celibidache se rencontrent dans leur paradis partagé : Maurice Ravel.

Ce Concerto en sol majeur sous opiacé – écoutez l’onirisme au centre de l’Allegro où les deux harpes distillent une pure essence de pavot – est simplement irréel. L’immobilité – Sergiu Celibidache abolit le cour du temps, refuse la barre de mesure, transfigure le piano d’ordinaire si volontaire de l’Italien. Tout le corps si puissant de son grand Steinway s’irise, s’exalte, danse, exulte (quelle coda ! avec la remontée du clavier, comme griffée par un lion).

Adagio vraiment assai, chanté sans que rien ne bouge, c’est l’éternité et lorsque l’orchestre paraît, le ciel s’ouvre. Final vertigineux non par la vitesse mais bien par l’allégement, un giocoso distancié et parfois une surprenant petite touche qui pourrait venir d’une des variations du Troisième de Prokofiev (que Benedetti Michelangeli ne jouait pas).

Fabuleux !, comme le rare récital donné dans le studio de la BBC le 30 juin 1959, Gaspard de la nuit uniment nocturne et assez cauchemardesque (cette Ondine maléfique comme une sirène préparant dans son scintillement hypnotique la corde du Gibet), avant l’élégance classique mise à la Sonate de Clementi, puis cette Deuxième de Chopin hautaine, terrible, avec le raptus de ce Finale insensé.

Remastering éclairant, bel objet qui nous promet une suite de ces enregistrements londoniens.

LE DISQUE DU JOUR

Arturo Benedetti Michelangeli
The London Recordings,
Vol. 1

Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano et orchestra en sol majeur, M. 83
Gaspard de la Nuit, M. 55
Muzio Clementi (1752-1832)
Sonate pour clavier en si bémol majeur, Op. 12 No. 1
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 35

Arturo Benedetti Michelangeli, piano
London Symphony Orchestra
Sergiu Celibidache, direction

Un album de 2 CD du label The Lost Recordings TLR-2203042
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Photo à la une : le pianiste Arturo Benedetti Michelangeli – Photo : © DR