Il y a du Ravel dans l’admirable début de la Sonate que Marguerite Canal composa en 1922, alors que les horreurs de la Grande Guerre n’étaient pas effacées. Œuvre vocale, d’une pure beauté, dont les tendresses mélodiques rappellent qu’elle fut l’accompagnatrice chérie de Ninon Vallin, absolument française de ton, et d’une remarquable facture. Les deux amis en ont fait l’une de leurs premières découvertes, prétexte à un album tout entier consacré à des œuvres rares dont le dénominateur commun est l’audace avant même le genre de leurs auteurs.
Ceux qui ne connaissent rien de Dora Pejačević seront saisis par le lyrisme débordant, le piano symphonique, l’appassionato du chant immense qui ouvrent la Sonate slave, chef-d’œuvre suractif composé au cœur de la Grande Guerre, d’une folle audace par son écriture cursive. Magnifique dans l’interprétation justement bouillonnante donnée ici.
Le disque s’ouvre par une œuvre plus rare encore, la sombre Sonate écrite par Henriëtte Bosmans en 1918. Point commun avec Marguerite Canal ? Elle sera elle aussi l’accompagnatrice d’une grande cantatrice française, Noémie Pérugia, traduisant à son intention en français ses mélodies sur des poèmes néerlandais.
Son œuvre, encore si peu illustrée par le disque, est de première grandeur, tout y porte le sceau d’une inspiration certaine, mélodies, musique de chambre (dont un superbe Quatuor achevé en 1927), la grande Sonate de 1918, si éloquente jusque dans sa maîtrise de la forme cyclique et l’irruption d’une fugue spectaculaire, ardée avec art par le beau duo qui nous offre tant de révélation en un seul album, quelle œuvre !
Loin de la Guerre, deux pièces brèves de Grażyna Bacewicz, pétries d’idiomes des Tatras, rappellent que le premier instrument de ce petit génie de la musique polonaise était le violon, pour lequel elle composa d’abondance : ses Sonates, ses Concertos font les yeux doux à Raphaëlle Moreau.
LE DISQUE DU JOUR
Duelles
Henriëtte Bosmans
(1895-1952)
Sonate pour violon et piano (1918)
Grażyna Bacewicz
(1909-1969)
Kaprys No. 3 pour violon et piano
Oberek No. 1
Dora Pejačević (1885-1923)
Sonate pour violon et piano en si bémol mineur, Op. 43 « Sonate slave »
Marguerite Canal (1890-1978)
Sonate pour violon et piano (1922)
Raphaëlle Moreau, violon
Célia Oneto Bensaid, piano
Un album du label Mirare MIR688
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Photo à la une : la violoniste Raphaëlle Moreau et la pianiste Célia Oneto Bensaid – Photo : © : Jacky Azoulai