Quelle nuance de poésie mélancolique rend Le Ruban dénoué si attachant ? Quelque chose de Proust y passe, plus particulièrement dans la pièce finale de ce collier de perles, Le seul amour que Reynaldo Hahn demande de jouer « très senti », valse lente qui se perd comme un parfum dans l’atmosphère, où se dissout sous le canon et dans l’ombre des forêts meurtries par la Grande Guerre, tout un monde, celui de Proust justement. Merveille qui semble se mirer dans les modèles laissés par Schubert, et faire un écho assourdi à celles que Ravel avait composées en 1911 sous le même parrainage.
Éric Le Sage et Frank Braley y sont émouvants à force de pudeur, jouant deux très beaux pianos : aigus sans clairon, médiums ambrés, basses grondeuses, tout un univers où s’invite en conclusion du Ruban dénoué Sandrine Piau pour un des poèmes d’Hugo, nous faisant pleurer de ne pas avoir par cette voix de diseuse d’autres Chants du crépuscule.
Deux autres pièces mélancoliques signée Hahn, puis ce petit trésor que sont les Trois Valses (faussement) romantiques de Chabrier. Les deux amis s’y régalent, doigts légers, accents canailles, du brio et de la tendresse, ah !, ils ont entendu Marcelle Meyer et Francis Poulenc et sans les copier savourent le même esprit.
LE DISQUE DU JOUR
Reynaldo Hahn (1874-1947)
Le ruban dénoué (Intégrale)
Caprice mélancolique
Pour bercer un convalescent
Emmanuel Chabrier (1841-1894)
3 Valses romantiques
Éric Le Sage, piano
Frank Braley, piano
Sandrine Piau, soprano
Un album du label Sony Classical 19658862602
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Photo à la une : les pianistes Éric Le Sage et Frank Braley – Photo : © DR