Alors que je cherchais quelle version aurait bien pu se substituer pour le 2e Concerto à celle choisie par l’équipe de Diapason pour son coffret Chopin – Novaes et Szell en concert à New York – je tombais d’accord avec Alain Lompech. Haskil Markevitch évidemment.
Mais Alain me suggérait également la version donnée en concert par la pianiste roumaine le 31 janvier 1960 avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire et Rafael Kubelik. Je répondais un peu vite que même si Haskil sonnait sans puissance dans le studio de Philips, je préférais cette version au live.
Pris d’un remords, je cherchais ce fa mineur en concert. Rien à Chopin. Puis hier, rangeant mes Concertos de Schumann, voici que je le retrouve. Sept mois avant sa gravure officielle qui précédait de deux mois sa mort, Haskil était encore en possession de son énergie physique, elle joue d’un bout à l’autre avec un engagement de tous les instants, timbrant son piano avec des luxes de couleurs, des phrasés si sentis, une poésie et une éloquence qui en effet font sa gravure avec Markevitch plus pâle sinon moins touchante.
Et avantage majeur, Kubelik, auquel la liaient des affinités électives, dirige l’orchestre tel que l’a écrit Chopin alors que Markevitch opte pour le grimage que lui fit subir Cortot.
L’entente entre Kubelik et Haskil, leur complicité établie depuis un concert donné au Concertgebouw où le chef poussa doucement la pianiste que sa crainte de la scène faisait hésiter, aurait du se prolonger au disque. C’est avec Kubelik qu’Haskil voulait enregistrer l’intégrale des Concertos de Mozart, mais Decca refusa de libérer le chef.
Le Concerto de Schumann qui ouvre ce disque enfin retrouvé était lors de sa parution en 2012 un inédit absolu : Orchestre de la Radio Danoise le 17 novembre 1955, Rafael Kubelik au pupitre.
Haskil a proclamé qu’elle détestait son enregistrement du la mineur avec Van Otterloo : « Les disques sont « infects » et aucun musicien compétent n’est pour la publication du Concerto de Schumann, particulièrement mauvais aussi du point de vue technique. Les soli ne sont guère mieux. Si Philips publie le Schumann malgré l’opposition de tous, je serais en droit de rompre le contrat avec eux ».
Ce qu’elle ne fit pas, continuant à être souvent médiocrement capté par les ingénieurs néerlandais, voir même relégué au second plan durant les sessions en sonate avec Arthur Grumiaux. Le succès commercial de son Concerto de Schumann la laissa interdite. Et l’on comprend mieux pourquoi en écoutant la fusion parfaite de son piano avec l’orchestre de Kubelik. La franchise du jeu et la beauté de la sonorité, incroyables, ne sont rien pourtant au regard de la tendresse et du caractère qui animent cette version, assurément l’un des plus importants témoignages de l’art de Clara Haskil, où le vrai visage de ce Concerto-poème parait enfin.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1949)
Concerto pour piano No. 2 en fa mineur, Op. 21
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano en la mineur, Op. 54
Clara Haskil, piano
Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire
Orchestre de la Radio Danoise
Rafael Kubelik, direction
Un album du label Tahra TAH736
Photo à la une : (c) DR