Andrew Tyson serait-il le nouveau génie du piano américain ? Son premier opus discographique, consacré aux Préludes, à un Impromptu et à trois Mazurkas de Chopin répond oui. Bardé de prix, le jeune-homme joue en maître des timbres et sait faire oublier sa virtuosité derrière un propos poétique de tous les instants.

Son clavier, léger et profond à la fois, ne démontre jamais, il se glisse dans les tourments des Préludes avec un sens musical, une intelligence du texte, une volonté de ne pas solliciter, de laisser apparaître les contrechants et les accents de la ligne mélodique comme par magie. C’est du très grand piano, pensé, dit, voulu et pourtant d’une simplicité et d’une élégance pas croisées depuis longtemps.

Car il y a de la grâce chez Andrew Tyson, pas seulement dans la sonorité si belle que parfois elle en devient un rien narcissique, mais dans ses idées musicales, toutes versées à la veine lyrique, en un chant contenu, modelé, respiré comme le ferait un chanteur.

Ce Chopin belcantiste, de haute tradition est de timbre, d’accent, de conception, tout sauf américain. La subtilité du jeu, la volonté de renoncer au brio pour cherche la profondeur de l’harmonie renouvellent l’image des Préludes. Non plus ces pages romantiques, échevelées, comme les jouaient Samson François ou Martha Argerich, mais un cycle classique, une confidence où la plus sombre nuance est dite en lumière. Pas si loin que cela de Vlado Perlemuter, jusque dans la manière de jouer avec naturel, sans effet, le premier prélude, justement simplement comme un prélude.

Le Troisième Impromptu et les trois Mazurkas Op. 59 sont dites avec une élégance émouvante, entre murmure et rêve. Cet album m’est une révélation, il n’est pas près de quitter ma platine.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin (1810-1849)
24 Préludes, Op. 28
Prélude en ut dièse mineur, Op. 45; Prélude en la bémol majeur, Op. posth.
Impromptu No. 3 en sol bémol majeur, Op. 51
3 Mazurkas, Op. 59

Andrew Tyson, piano

Un album du label Zig Zag Territoires 55T347

Photo à la une : (c) Christian Steiner