Dans leurs échanges avec Camille de Rijck, Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy rappellent que Chopin chérissait le Divertissement à la hongroise. L’auteur des Mazurkas était probablement sensible à sa lyrique diffuse, à ce presque-rien sur lequel Schubert brode autant d’agates que de mystères. La matière musicale en est mince, un thème un peu russe pour l’Andante, une Marche étrangissime, la Hongrie s’invitera dans le Finale, que les pianistes jouent à deux temps, ce que, je crois bien, personne n’a fait avant eux, augmentant d’une dose de paprika supplémentaire ce petit motif obsessionnel.
Sous leurs dix doigts si unis, cet Allegretto devient magique, une écharpe de soie posée sur les cordes y invite des fantômes, puis des cartes de visite pliées font pour quelques secondes à la quasi coda résonner ce cymbalum qui se cache à peine dans les portées de Schubert, vrai paysage sonore de poutza.
Le Divertissement aurait suffi pour faire le disque génial, un fois entendu il devient addictif, les quasi treize minutes tournent en boucle dans le lecteur CD de ma voiture depuis bientôt trois semaines. L’œuvre de Leonid Desyatnikov fait une mise en abime avant tout poétique, introduction parfaite à une Fantaisie en fa mineur crépusculaire où deux aèdes semblent dialoguer devant des paysages irréels.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Divertissement à la hongroise, D. 818
Fantaisie en fa mineur, D. 940
Leonid Desyatnikov (né en 1955)
Trompe-l’œil
Pavel Kolesnikov, piano
Samson Tsoy, piano
Un album du label harmonia mundi HMM902716
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Photo à la une : les pianistes Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy –
Photo : © Eva Vermandel