Étrange, Yuja Wang, qui ose briller toujours, sèche devant les palmes d’artifices de Málaga. C’est qu’elle croit aux barres de mesure qu’Albéniz aime tant enjamber et, partant, perd les saveurs qu’un peu d’air aurait exaltées. Cela est encore plus flagrant pour Lavapiès, joué trop cubiste, alors qu’il faut donner de l’espace à ses valses de faubourgs et ses saetas de processions, et non pas les heurter dans la mesure où elles se froissent et se brisent. Parfois, il faut savoir entendre Alicia de Larrocha, mais je ne vais pas tancer Yuja Wang d’avoir essayé. Demain peut-être saura-t-elle respirer dans cette Ibéria dont elle a les moyens.
Deux Préludes de Jazz de Kapoustine un peu indifférents (j’aurais préféré qu’elle pioche dans les Études, autrement électrisantes), une Troisième Sonate de Scriabine aussitôt oubliée, et puis une formidable « Chasse » de Beethoven, c’est tout Yuja Wang, soudain libre.
Se serait-elle enfin trouvée ? Les deux Études de Ligeti sont fabuleuses (et plus variée de timbres que ce qui aura précédé, est-ce vraiment le même concert ?), les bis formidables, et pas seulement la nonchalance puis le martelo de la Danzón de Marquez ; écoutez le Gluck/Sgambati.
LE DISQUE DU JOUR
The Vienna
Recital
Isaac Albéniz (1860-1909)
Ibéria, 12 Impresiones Españolas (2 extraits :
X. Málaga ; IX. Lavapiés)
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Sonate pour piano No. 3 en
fa dièse mineur, Op. 23
Nikolaï Kapoustine (1937-2020)
24 Préludes de Jazz, Op. 53 (2 extraits : No. 11 ; No. 10)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 18 en mi bémol majeur, Op. 31 No. 3 « La chasse »
Gÿorgy Ligeti (1923-2006)
Études, Livre II (2 extraits : No. 6. Automne à Varsovie ; No. 13, L’escalier du diable)
Philip Glass (né en 1937)
Étude pour piano No. 6
Arturo Márquez (né en 1950)
Danzón No. 2 (version pour piano seul : Gómez-Tagle)
Johannes Brahms (1833-1897)
Intermezzo en ut dièse mineur, Op. 117 No. 3
Christoph Willlibald Gluck (1714-1787)
Orphée et Eurydice, Wq. 41 – Ballet des ombres heureuses
(version pour piano seul : Sgambati)
Yuja Wang, piano
Un album du label Deutsche Grammophon 4864567
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Photo à la une : la pianiste Yuja Wang – Photo : © DR