Merveilles oubliées

Qui connaît ces rêves éveillés que sont les Nipponari ? Les sept haïkus, que Martinů aura mis en musique, proposant pour chacun d’entre eux un alliage spécifique, sont l’écho sonore de sa visite à une exposition d’estampes.

Encore étudiant au Conservatoire de Prague, déjà si singulier, son orchestre à géométrie variable est empli de musique française, d’un raffinement inouï dont Sir Simon Rattle se régale, encorbelant le chant de Magdalena Kožená.

Le cycle, que Martinů orchestra en 1912 (alors même que Maurice Delage mettait le point final à ses Poèmes hindous, les deux œuvres ont des ressemblances troublantes, d’abord par leurs écritures instrumentales si subtiles), est un pur bijou dont on tient, il me semble, seulement le second enregistrement.

Il suffit à commander l’acquisition de ce disque précieux aussi par les Quatre mélodies avec orchestre d’Hans Krása, ces Lieder où, là encore, l’orchestre est un univers. Un de ses opus majeurs, s’y infusent les raffinements de l’instrumentation française, appris auprès d’Albert Roussel, et les nouvelles musiques de la Seconde École de Vienne. Il y a du Schönberg dans son chant, et du Berg dans la dramaturgie de l’orchestre, ce que Magdalena Kožená et Sir Simon Rattle réunissent avec art, aidés par les timbres singuliers des Pragois. L’ajout des encore plus rares Petites chansons sur une page de Martinů, orchestrés par Jiří Teml, augmente le plaisir !

Centre du disque, d’admirables mélodies de Dvořák, certaines orchestrées par Jiří Gemrot, où la mezzo déploie ses mots ambrés, coda avec la Berceuse juive que Gideon Klein écrivit le 6 février 1943, sans se douter encore que les Nazis l’assassineraient vingt mois plus tard.

LE DISQUE DU JOUR

Czech Songs

Bohuslav Martinů (1890-1959)
Nipponari, H. 68 « Chants
populaires japonais »

Petites chansons sur une page, H. 294 (orchestration : Jiří Teml)
Antonín Dvořák (1841-1904)
Chants nocturnes, B. 61
(5 extraits : No. 1. Umlklo stromů šumění ; No. 2. Mně zdálo se ; No. 3. Já jsem ten rytíř ; No. 4. Když Bůh byl nejvíc rozkochán ; No. 7. Když jsem se díval do nebe)

Cyprès, B. 11 (2 extraits : No. 5. Ó byl to krásný zlatý sen ; No. 11. Mé srdce často v bolesti – orchestration : Jiří Gemrot)

Hans Krása (1899-1944)
4 Mélodies avec orchestre, Op. 1
Gideon Klein ( 1919-1945)
Berceuse (orchestration : Jiří Gemrot)

Magdalena Kožená, mezzo-soprano
Orchestre Philharmonique Tchèque
Sir Simon Rattle, direction

Un album du label Pentatone PTC5187077
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Photo à la une : la mezzo-soprano Magdalena Kožená – Photo : © DR