Peu à peu, et dans une certaine discrétion si l’on pense aux échos suscités par leurs cycles Mahler ou Brahms, Iván Fischer et ses musiciens de Budapest sont sur le point de boucler leur patiente intégrale des Symphonies de Beethoven. Aujourd’hui l’Eroica, demain ne resteront plus que les 2, 8 et 9 pour boucler.
Selon Iván Fischer, le centre névralgique de l’Héroïque n’est pas le vaste premier mouvement, où il réfrène parfois les ardeurs de son orchestre, ni les fusées du Finale, mais bien la Marche funèbre, qu’il empoisonne de teintes mahlériennes et fait drastiquement avancer, coup de quasi-génie. De révolutionnaire, l’œuvre devient tragique.
La clarté de la construction pourrait faire penser à Klemperer, l’abrupt en moins, le geste, comme à rebours de tant de propositions historiquement informées, pourrait tromper : Iván Fischer entend bien la modernité de l’Héroïque, ce saut vers l’inconnu, mais il le tempère, le retient, audiblement fasciné par les beautés que son orchestre lui donne à entendre.
C’est parfois frustrant, mais toujours éclairant, un Beethoven absolu, qui rejoint les grands gestes d’un Jochum, d’un Schmidt-Issertedt, lesquels, après les excès des lectures de guerre, avaient placé le corpus des neuf Symphonies dans un autre axe, le sauvant de tout hystérie, lui donnant son vrai ton de parabole.
En postule, l’Ouverture « Coriolan » éclate, stupéfiante. Et si Iván Fischer revenait à l’opéra, ne serait-ce que pour Fidelio ?
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55 « Eroica »
Ouverture « Coriolan », Op. 62
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction
Un album du label Channel Classics CCSA46524
Acheter l’album sur le site du label Channel Classics ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le chef d’orchestre Iván Fischer –
Photo : © Marco Borggreve