Aline Piboule ouvre son voyage fauréen, d’une Barcarolle l’autre, d’un Nocturne l’autre, les uns les autres se mêlant dans d’éclairants allers et retours chronologiques, par la brève Improvisation en ut dièse mineur, deux minutes sélènes qui font chanter la grande caisse aux timbres profonds d’un admirable Gaveau.

Je la savais chez elle ici depuis un certain Thème et Variations, une Ballade aussi (voir ici), mais l’entendre s’immerger au plus âpre de l’écriture fauréenne, délaisser le moindre charme pour la sève, quelle expérience !, qui aura exigé de me défaire du vaste soleil auquel l’intégrale de Lucas Debargue m’avait accoutumé.

Elle regarde de l’autre côté du miroir, au point que les grands déploiements du 5e Nocturne deviennent vertigineux avant de s’estomper dans un chant douloureux. Si sombre tout cela, avec une nuance de désespoir et une élégance aussi, cela en est beau comme du Verlaine. Et dit autant que chanté.

Le disque m’esseule, tant d’intensité, ce tragique des ultimes Nocturnes, le mystère un peu amer des Barcarolles comme un contrepoint à peine consolateur, comment s’en remettre ? Rouvrir les partitions, et voir que l’encre en effet en est si noire.

LE DISQUE DU JOUR

Gabriel Fauré (1756-1791)
Improvisation en ut dièse mineur, Op. 84 No. 5
Nocturne No. 11 en fa dièse mineur, Op. 104 No. 1
Barcarolle No. 5 en fa dièse majeur, Op. 66
Barcarolle No. 3 en sol bémol majeur, Op. 42
Nocturne No. 5 en si bémol majeur, Op. 37
Barcarolle No. 4 en la bémol majeur, Op. 44
Barcarolle No. 9 en la mineur, Op. 101
Barcarolle No. 10 en la mineur, Op. 104 No. 2
Nocturne No. 12 en mi mineur, Op. 107
Barcarolle No. 13 en ut majeur, Op. 116
Nocturne No. 13 en si mineur, Op. 119
Barcarolle No. 12 en mi bémol majeur, Op. 106bis

Aline Piboule, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902510
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Photo à la une : la pianiste Aline Piboule – Photo : © Olivier Lalane