La discrète

Dans la petite église de Grisy-Suisnes, entre avril et juin 1973, Pierre Lavoix et Michel Garcin s’attendaient-ils à entendre la voix même de Schumann ? Catherine Collard, vingt-six printemps, gravait une Fantaisie pour l’éternité, éperdument chantée, emplie d’héroïsme et de paysages, et ne renonçant pas à l’émotion dans les sfumatos du Langsam. Admirable et définitif, comme des Davidsbündlertänze où s’équilibrent miraculeusement l’ivresse et la réflexion.

Une schumanienne était née, il ne lui restait hélas que vingt années pour enchanter les mélomanes, qui pouvait le croire alors ? Michel Garcin la laissera poursuivre chez Schumann, mieux ! l’y encouragera, la Première Sonate, enfiévrée et pourtant subtilement contrôlée, les Kinderszenen, la difficile Deuxième Sonate dont elle emporte le Presto final en doigts rapaces, l’Arabeske, les Romances, Papillons surtout en pure magie, cela aurait dû continuer et continuera plus tard pour Lyrinx, Erato l’enregistrant encore une fois en duo avec Catherine Courtois pour le classique doublé FranckLekeu qu’elles relisent avec autant d’audaces que de poésie, écoutez seulement.

Avec l’archet diseur de Catherine Courtois et pour EMI, elle reviendra à Schumann pour les deux Sonates si rarement courues au disque alors, puis à celles de Prokofiev, disque détonant où la violoniste relève le gant face à David Oïstrakh lui-même.

Coda tardive avec pour la série Musifrance : une lecture savoureuse, drue et poétique à la fois, de la Symphonie « Cévenole »Marek Janowski l’entoure d’admiration, Alain de Chambure en tressant les éloges dans le tout Paris. Plus que trois ans de vie, encore quelques pièces de Satie partagées à vingt doigts avec Anne Queffélec qui, dans le beau texte accompagnant cette édition, se souvient de cette croqueuse de vie, de ce grand caractère, de cette personnalité flamboyante que souligne aussi Nathalie Stutzmann.

Mais devant son piano, la grande Catherine poussait la discrétion à n’être plus que les œuvres qu’elle nous offrait corps et âme.

LE DISQUE DU JOUR

Catherine Collard, piano
The Complete Erato, EMI Classics & Virgin Classics Recordings

CD 1
Robert Schumann
(1810-1856)
Fantaisie en ut majeur, Op. 17
Davidsbündlertänze, Op. 6

CD 2
Robert Schumann (1810-1856)
Sonate pour piano No. 1 en fa dièse mineur, Op. 11
Kinderszenen, Op. 15

CD 3
Robert Schumann (1810-1856)
Sonate pour piano No. 2 en sol mineur, Op. 22
Arabeske, Op. 18
3 Romances, Op. 28
Papillons, Op. 2

CD 4
Guillaume Lekeu (1870-1894)
Sonate pour violon et piano en sol majeur
Guillaume Lekeu (1870-1894)
Sonate pour violon et piano en la majeur, CFF 123, FWV 8
Catherine Courtois, violon

CD 5
Robert Schumann (1810-1856)
Sonate pour violon et piano No. 1 en la mineur, Op. 105
Sonate pour violon et piano No. 2 en ré mineur, Op. 121
Catherine Courtois, violon

CD 6
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour violon et piano No. 1 en fa mineur, Op. 80
Sonate pour violon et piano No. 2 en ré majeur, Op. 94bis
Catherine Courtois, violon

CD 7
Vincent d’Indy (1851-1931)
Symphonie sur un chant montagnard français, Op. 25 « Cévenole »
Orchestre Philharmonique de Radio FranceMarek Janowski, direction

Erik Satie (1866-1925)
3 Morceaux en forme de poire (version pour piano à quatre mains)
La belle excentrique (version pour piano à quatre mains)
Anne Queffélec, piano

Un coffret de 7 CD du label Erato 5054197962639
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Photo à la une : la pianiste Catherine Collard –
Photo : © Mali/Warner Classics