Toutes les gravures lyriques engrangées par Wolfgang Sawallisch pour EMI ? Certains s’étonneront de ne pas trouver Arabella, repris par Orfeo, et Friedenstag, demeuré propriété de la Radio Bavaroise, elles manquent à cet ensemble commencé et bouclé chez Richard Strauss.
Walter Legge, voulant graver la première version discographique de Capriccio afin d’y fixer le fascinant portrait de Madeleine selon son épouse, se doutait-il que Sawallisch en serait à ce point le Pygmalion ? Certes, le cast est resté inégalé, mais l’élégance de la direction, la finesse de l’orchestre qui se glisse dans l’esprit de conversation, la fluidité de l’ensemble et son brio teinté de nostalgie demeurent irremplaçables. Ne manque à la scène finale que le cor de Dennis Brain, disparu peu avant les sessions dans l’accident de la route que l’on sait.
Vif argent, Intermezzo, l’autre perle avec Arabella de ces années munichoises, surprend toujours par ses subtilités, son piquant, la virtuosité de sa comédie emportée par une étourdissante Lucia Popp dont la Christine n’aura pour vraie rivale qu’Elisabeth Söderström, mais en anglais ! Plus tard suivront Die Frau ohne Schatten, fantasque, mystique, irrésistible, très sombre, et une Elektra incandescente qu’il faut réévaluer (les grandes orgues de Marton qui se rappelle de Nilsson, la Klytämnestra vampirique de Marjana Lipovšek !), Sawallisch faisant dans l’une et l’autre jeu égal, mais si différent, avec Karl Böhm. Avantage majeur, pas une coupure dans la Frau, pas une même dans Elektra donnée si souvent avec pléthore de minuscules coups de ciseaux.
Le grand voyage Wagner souffre parfois de bémols vocaux surtout au long d’un Ring qui est d’abord œuvre d’équipe, et comme tel plausible, culminant dans un Götterdämmerung épique, mais la Brünnhilde d’Hildegard Behrens, la Sieglinde de Julia Varady, le Hunding de Kurt Moll, le Hagen des Matti Salminen, le Mime d’Helmut Pampuch comment les ignorer ? Leste, argenté, fabuleusement spirituel, Die Meistersinger von Nürnberg reste un bijou dont la direction sur les pointes inspire à Bernd Weikl sa meilleure composition, Hans Sachs inattendu mais diablement convaincant et les trognes des maîtres, l’élégance mutine de l’Elisabeth de Studer, que de plaisirs, où une fois encore l’axiome de la troupe se vérifie.
Le doublé Orff rappelle que le jeune Sawallisch fut adoubé par le compositeur, les deux petits opéras de Schubert et de Weber (trio imbattable pour Abu Hassan, Moser, Gedda, Moll !) documentent sa curiosité, mais si vous ne savez rien de cette somme, commencez par la Zauberflöte de Munich et sa terrible Reine de la Nuit. Si Edda Moser ne vous fait pas trembler…
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Sawallisch
The Warner Classics Edition Complete Opera Recordings
CDs 1-2
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Zauberflöte, KV 620
CD 3
Carl Maria von Weber (1786-1826)
Abu Hassan, J. 106
CD 4
Franz Schubert (1797-1828)
Die Zwillingsbrüder, D. 647
CDs 5-6
Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, WWV 86A
CDs 7-9
Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, WWV 86B
CDs 10-12
Richard Wagner (1813-1883)
Siegfried, WWV 86C
CDs 13-16
Richard Wagner (1813-1883)
Götterdämmerung, WWV 86D
CDs 17-20
Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, WWV 96
CDs 21-22
Richard Strauss (1864-1949)
Capriccio, Op. 85, TrV 279
CDs 23-24
Richard Strauss (1864-1949)
Intermezzo, Op. 72, TrV 246
CDs 25-27
Richard Strauss (1864-1949)
Die Frau ohne Schatten, Op. 65, TrV 234
CDs 28-29
Richard Strauss (1864-1949)
Elektra, Op. 58, TrV 223
CDs 30-31
Carl Orff (1895-1982)
Die Kluge
Der Mond
Philharmonia Orchestra
Orchester der Bayerischen Staatsoper
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Bayerisches Staatsorchester
Wolfgang Sawallisch, direction
Un coffret de 31 CD du label Warner Classics 5054197949463
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Photo à la une : le chef d’orchestre Wolfgang Sawallisch – Photo : © DR